Corruption, détournement de fonds et abus de pouvoir. Un haut dirigeant du Parti communiste chinois, Bo Xilai, doit répondre à ces trois accusations. Celui que l'on surnomme le « prince rouge » a eu droit à un procès sans précédent, pendant lequel la Cour a publié le déroulement des représentations en direct sur un site de microblogues semblable à Twitter. Procès marqué par une volonté de transparence ou manoeuvres de propagande?

Weibo

C'est probablement l'élément du procès de Bo Xilai qui en fait un cas d'exception. Alors que les responsables politiques comparaissent normalement à huis clos, le déroulement des audiences - qui se sont terminées hier - a été suivi en direct par des millions d'internautes. Environ 600 000 Chinois se sont inscrits au site Weibo (l'équivalent de Twitter) pour l'occasion, alors qu'ils sont plus de 3 millions d'utilisateurs en Chine seulement. Transparence ou manoeuvres de propagande? Selon Nicholas Bequelin, spécialiste du système judiciaire chinois chez Human Rights Watch, l'apparence d'un véritable procès donne de la légitimité à la sentence. Mais cette thèse est nuancée par Ping Huang, chercheuse au Centre de recherches sur les innovations sociales de l'Université du Québec à Montréal. «Je ne crois pas que le Parti communiste ait entièrement réorganisé ce procès, à en juger par ce qui a été publié sur Weibo. Ils auraient mieux fait sinon, et Bo Xilai n'aurait pas nié l'ensemble des accusations», croit-elle.

Négociations

Selon plusieurs experts en politique chinoise, il ne fait aucun doute que Bo Xilai connaissait avant le début de son procès les grandes lignes de sa sentence. Il l'aurait d'ailleurs négociée lui-même. Selon un journal de Hong Kong, le «prince rouge» serait condamné à 13 ans de prison. Son fils Bo Guagua, qui habite aux États-Unis, ne serait pas inquiété, même s'il avait aidé son père dans ses manigances. «Certaines accusations antérieures contre Bo Xilai n'ont pas été mentionnées dans cette audience, et la vérité sur l'implication de Bo Guagua ne verra donc pas le jour. La situation montre que le processus de développement de la procédure juridique chinoise est très difficile», a dit Cai Yongwei, journaliste au journal de Singapour Lianhe Zaobao, à Courrier international.

Rebondissements

La personnalité flamboyante de Bo Xilai et les nombreux rebondissements de son procès ont intrigué bon nombre de Chinois. L'homme politique a tout d'abord nié ce qu'on lui reprochait, avançant que rien ne permettait de conclure à sa culpabilité. «J'ai fait une confession à contrecoeur, mon cerveau n'arrivait plus à penser», aurait-il d'abord affirmé. Il a aussi refusé qu'on le dépeigne comme un homme qui se servait de pots-de-vin pour vivre dans le luxe. Pour preuve, il a mentionné l'état de ses caleçons. «Personnellement, je n'attache aucune importance à mon apparence vestimentaire. Les caleçons longs que je porte actuellement m'ont été offerts par ma mère dans les années 1960», aurait-il affirmé selon France 24.

Luxe

Le procès de Bo Xilai lève le voile sur les pots-de-vin et le train de vie luxueux que mènent certains dirigeants du Parti communiste chinois, alors que le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères affirmait récemment qu'il y avait toujours plus de 150 millions de "pauvres" dans son pays. «Nous vivons une crise de confiance en Chine de la population envers le gouvernement et les fonctionnaires. La corruption est le principal enjeu, et le procès de Bo Xilai est une tentative des autorités pour calmer la grogne», explique la chercheuse au Centre de recherches sur les innovations sociales de l'Université du Québec à Montréal, Ping Huang. Si plusieurs Chinois peinent à joindre les deux bouts, Bo Xilai s'est présenté en Cour dans une tenue élégante et soignée. Il a toutefois nié que ses vêtements aient été confectionnés dans un petit atelier. L'homme a aussi été interrogé sur une villa qu'il avait à Cannes, en France, qu'il aurait également reçue en pot-de-vin.

Source: Agence France-Presse, Courrier international, France 24 et Le Point