Le dirigeant déchu Bo Xilai a démenti jeudi avec combativité avoir reçu des pots-de-vin, au premier jour de son procès pour corruption censé solder le plus retentissant scandale politique en Chine depuis des décennies.

M. Bo, 64 ans, a ainsi nié avoir reçu plus d'un million de yuans (163 000 $) de l'homme d'affaires Tang Xiaolin, qu'il a qualifié de «menteur» et accusé d'«avoir vendu son âme».

«Il essaye tout simplement d'obtenir une réduction de sa peine. C'est pourquoi il mord dans toutes les directions comme un chien fou», s'est insurgé l'ancien dirigeant des métropoles de Dalian (nord-est) et Chongqing (sud-ouest), avant d'être tancé par le juge.

En Chine, les tribunaux opèrent sous le contrôle direct des autorités communistes et les analystes estiment que de longues tractations au sommet du pouvoir ont déjà permis de décider du verdict, quelles que puissent être les dénégations de Bo à la barre.

L'ancien membre du puissant Bureau politique du Parti communiste est officiellement accusé d'avoir reçu en pots-de-vin, avec son épouse Gu Kailai et leur fils Bo Guagua, l'équivalent de 3,74 millions de dollars de deux hommes d'affaires, Tang Xiaolin et Xu Ming, proches du couple.

Il doit également répondre du détournement de 5 millions de yuans (818 000 $) de fonds publics et d'abus de pouvoir à Chongqing pour entraver une enquête criminelle visant son épouse. Celle-ci a été reconnue coupable en août 2012 de l'assassinat d'un homme d'affaires britannique, Neil Heywood.

La révélation de ce meurtre avait précipité début 2012 la chute spectaculaire de l'ambitieux «prince rouge» et mis au jour de fortes divisions au sein de la direction du Parti communiste pourtant soucieuse d'afficher son unité.

M. Bo a taxé jeudi de «grotesques» des affirmations de Gu Kailai selon lesquelles il aurait rempli de dizaines de milliers de dollars un des coffres-forts que se partageait le couple.

De même, il a balayé les accusations selon lesquelles il aurait reçu de Xu Ming 20,7 millions de yuans (3,5 millions de dollars) en argent et biens - dont une luxueuse villa à Cannes, dans le sud-est de la France, au sujet de laquelle il a affirmé «tout ignorer».

Une société domiciliée à l'adresse de cette villa a été depuis 2001 gérée par des proches de Bo Xilai, dont l'architecte français Patrick Devillers et Neil Heywood, d'après des documents légaux obtenus par l'AFP.

Bo Xilai est par ailleurs revenu sur des aveux devant la Commission de discipline du parti, dans lesquels il reconnaissait avoir bénéficié de versements illégaux de M. Tang. Il a expliqué avoir parlé sous le coup de «pressions psychologiques».

Plus tôt jeudi, M. Bo avait pris place sous très haute sécurité dans le box des accusés du tribunal populaire de Jinan (est de la Chine), devant un public de 110 personnes trié sur le volet.

On y comptait, selon le tribunal, cinq membres de la famille de Bo Xilai, deux autres personnes de son entourage, 19 journalistes et 84 citoyens censés représenter la société chinoise.

Le compte-rendu des débats n'était accessible que par des microblogues diffusés par la cour pénale, et la presse étrangère n'a pas été admise dans la salle d'audience.

C'est par ce canal qu'a été publiée une photographie de l'ex-membre du puissant Bureau politique du comité central du PC chinois, avant que la télévision d'État ne diffuse de brefs extraits en vidéo du procès.

Encadré par deux policiers plus hauts que lui, habillé d'une chemise blanche à col ouvert et d'un pantalon noir, M. Bo est apparu avec un visage plus émacié qu'auparavant, les tempes poivre et sel et légèrement voûté.

Placé en détention en mars 2012, le dirigeant charismatique n'avait pas été vu en public depuis plus de 17 mois. Son procès se poursuivra vendredi.

De très nombreux policiers en uniforme, ainsi que des centaines de badauds, étaient jeudi à l'extérieur du tribunal, selon une journaliste de l'AFP sur place.

Parmi la petite foule figuraient de nombreux partisans de Bo, qui a présidé au spectaculaire essor de Chongqing, une cité laboratoire de 33 millions d'habitants devenue un pôle économique majeur. Il y avait par ailleurs réinsufflé une «culture rouge» néo-maoïste, à grand renfort de slogans patriotiques.

«Je te rends hommage», a ainsi lancé à plusieurs reprises M. He, un employé travaillant une partie de l'année à Chongqing, qui a confié à l'AFP avoir pris l'avion de nuit pour apporter son soutien à Bo.

En permettant à Bo une certaine liberté de parole et en acceptant la diffusion sur les réseaux sociaux de ses déclarations, «les autorités pensent pouvoir donner l'impression d'un procès équitable», a observé He Weifang, professeur de droit à l'Université de Pékin.

«Mais je pense que l'issue générale a déjà été décidée», a-t-il insisté.