Un prêcheur musulman, sous le feu des critiques parce qu'il fait adopter des enfants par des couples stériles dans son émission diffusée en direct sur une chaîne de télévision pakistanaise, se défend de se livrer à une course à l'audimat.

Aamir Liaqat Hussain, une des grandes vedettes de la télévision au Pakistan, présente une émission marathon de 12 heures chaque jour pendant le mois de jeûne du ramadan, regardée par des millions de téléspectateurs.

Il magnétise son public avec des interviews et des jeux, en fournissant des repas à des nécessiteux dans son studio et, à deux reprises, en remettant des fillettes à des couples en mal d'enfants.

L'indignation d'une partie des médias étrangers et de l'opinion publique locale l'a conduit à défendre son concept, après avoir été accusé de franchir la ligne rouge pour gagner des parts de marché.

«Ce n'est pas comme si les (futurs) parents venaient à l'émission et que nous leur donnions le bébé comme un prix. C'est stupide de dire ''Qui veut gagner un bébé?» a-t-il plaidé auprès de l'AFP en marge de son émission.

Les deux couples passés jusqu'ici sur son plateau ont été soigneusement pré-sélectionnés et choisis pour leur capacité à assumer leurs fonctions parentales, a-t-il expliqué, défendant son droit à trouver des foyers pour des bébés abandonnés dans un pays où l'adoption n'est pas réglementée.

«Ce n'est pas du showbiz. C'est le vrai islam. Où sont les acteurs? Où sont les actrices? Je n'ai vu ni acteurs ni actrices ici», a fait valoir Aamir Liaqat Hussain.

Une association caritative associée à l'émission, la fondation Chhipa, qui gère tout un réseau d'ambulances dans la métropole pakistanaise Karachi, a expliqué à l'AFP vouloir dissuader les femmes d'abandonner dans la rue leurs enfants non désirés et les hommes de quitter leurs femmes infertiles.

Au Pakistan, aucune loi n'encadre l'adoption des enfants. Et ce sont donc les associations caritatives qui reçoivent des orphelins, trouvent des bébés indésirés dans la rue, et donc gèrent elles-mêmes l'adoption.

«Nous accordons l'adoption uniquement aux couples méritants», a assuré Ramzan Chhipa, président de l'association Chhipa Welfare, qui gère aussi tout un réseau d'ambulances à Karachi, mégapole de 18 millions d'habitants en proie à une vague de violences sans précédent.

Un troisième enfant devrait être adopté en direct à la télévision dans les prochains jours, selon M. Chhipa. «Il ne s'agit pas de répondre à une question dans un jeu et de gagner un bébé. C'est faux».

Un des couples bénéficiaires a dit être marié depuis plus de 15 ans. Auditionnée par l'association Chhipa, celle-ci a confirmé au couple qu'il allait obtenir un enfant abandonné. Puis l'émission «Aman Ramadan» d'Aamir Liaqat Hussain a contacté les futurs parents pour la cérémonie diffusée en direct devant des millions de téléspectateurs.

«Je n'ai pas les mots pour dire notre bonheur. Il y avait un grand vide dans notre vie et il est comblé avec ce bébé», s'est réjoui le père, Said Zulfiqar Hussain, un policier de Karachi.

Le présentateur affirme montrer «le vrai visage de l'islam, aider les pauvres, écouter les pauvres». «Les gens m'aiment, c'est pour cela qu'ils me regardent. À travers la télévision, nous diffusons un message de tolérance».

Aamir Liaqat Hussain, vedette du petit écran ayant déjà été ministre des Affaires religieuses sous le président Musharraf, demeure un personnage à la fois populaire et controversé au Pakistan, notamment pour son soutien à une loi sur le blasphème et une polémique sur son faux diplôme en études islamiques.

«Donner des bébés à une émission de télévision envoie un mauvais message à la société. Ce genre de chose (l'adoption) doit rester discret», a commenté Tauseef Ahmed Khan, directeur du département d'études médiatiques à la Federal Urdu University de Karachi.