Pour le 60e anniversaire de l'armistice avec le Sud, Pyongyang expose des tableaux épiques où des missiles en carton-pâte se dressent parmi les bégonias et des soldats nains jettent des grenades sur un lit d'orchidées.

Rien, en Corée du Nord, n'échappe à l'Histoire, pas même le nom des fleurs: dans le hall des expositions de la capitale nord-coréenne, les bégonias rouges sont en réalité des «Kimjongilia», baptisées ainsi en l'honneur du défunt dirigeant Kim Jong-Il.

Les orchidées sont des «Kimilsungia», ainsi nommées en mémoire du fondateur de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), Kim Il-Sung.

«Ce sont tout à la fois de rares et belles fleurs baptisées du nom des hommes les plus célèbres du monde», explique à un journaliste de l'AFP une guide anglophone, Kim Chun-Kyong, lors d'une visite organisée vendredi pour la presse étrangère.

Bégonias et orchidées sont les fleurs dominantes d'une série de 70 compositions occupant trois étages du hall des expositions à l'occasion du 60e anniversaire de l'armistice du 27 juillet qui a mis fin à la guerre de Corée en 1953.

Cet armistice est célébré en Corée du nord comme le «jour de la victoire» dans la «guerre de libération de la patrie».

La plupart des tableaux présentent une statuaire très militaire, avec, souvent, un soldat vaillant portant haut, face au feu de l'ennemi, le drapeau national.

D'autres représentent de véritables scènes de guerre comme ces figurines d'un mètre de hauteur représentant des mitrailleurs ou des grenadiers camouflés dans les Kimjongilia, dont les larges pétales et les épaisses tiges offrent un couvert plus efficace que la délicate Kimilsungia.

Presque tout aussi souvent représentés, des modèles réduits de la fusée Unha-3 avec laquelle la Corée du nord a mis en orbite un satellite en décembre dernier.

La majeure partie de la communauté internationale a qualifié ce lancement d'essai de missile intercontinental et le Conseil de sécurité des Nations unies a voté de nouvelles sanctions contre Pyongyang dans la foulée.

À chaque tableau correspond une administration d'État, un ministère ou un comité. Au lieu de soldats en armes, un établissement commercial a décoré ses parterres avec ses propres produits, dont une fraiseuse, des rouleaux de textile et des sacs d'engrais.

Le Comité pour la réunification pacifique de la Corée a taillé sa verdure aux contours de la péninsule coréenne, Pyongyang étant signalé par un pot fleuri tournant sur lui-même.

La fleur nationale en Corée du Nord est le magnolia. Les deux espèces reines de l'exposition proviennent de l'étranger.

La Kimilsungia a été offerte au premier des Kim par l'ancien président indonésien Sukarno, tandis que la Kimjongilia a été conçue par un botaniste japonais.

Interrogé sur le fait de savoir si des espèces endémiques de Corée du Nord n'auraient pas été plus appropriées, la guide a au contraire estimé que leur origine étrangère rendait les fleurs exposées d'autant plus importantes.

«Cela montre que nos grands dirigeants sont célébrés dans le monde entier, pas seulement par les Coréens», assure-t-elle.

L'actuel numéro un du régime Kim Jong-Un, fils et petit-fils des deux premiers, devrait lui aussi recevoir un honneur semblable à l'avenir.

«Je sais que des gens de par le monde le célèbrent aussi comme la personnalité la plus importante au monde, alors il aura peut-être bientôt une Kimjongunia», espère-t-elle.

Une ouvrière, Jiang Ok-Sil, a pris des congés pour visiter l'exposition avec sa fille de cinq ans.

«Comme tous les Coréens, dès que nous voyons ces fleurs, nous nous souvenons toujours de nos grands dirigeants, Kim Il-Sung et Kim Jong-Il», confie-t-elle.

Interrogée sur sa fleur préférée, la femme hésite, puis désigne le Kimilsungia qui «est plus jolie».

«Mais la Kimjongilia est très belle aussi», ajoute-t-elle aussitôt.