Des dizaines de milliers de partisans ont salué vendredi le retour d'exil du chef de l'opposition cambodgienne Sam Rainsy, gracié par le roi alors que son parti espère mettre fin à près de trente années de pouvoir du premier ministre.

«Je suis très heureux. Je suis revenu pour sauver la nation, avec vous tous», a déclaré Rainsy à son arrivée, embrassant le sol à l'aéroport.

À une semaine des législatives du 28 juillet, une foule en liesse s'est rassemblée sur les bords des routes pour accueillir celui qui est considéré comme le principal opposant au premier ministre Hun Sen, en criant «changement, changement».

«Je suis ravie de voir le leader de la démocratie rentrer au pays», a commenté Sok Kan, 64 ans, portant T-shirt et casquette à l'effigie du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP).

Le chef du CNRP, 64 ans, qui a également la nationalité française, avait fui vers la France en 2009 pour échapper à des condamnations que ses partisans jugeaient politiques. Mais l'ancien banquier a été gracié par le roi Norodom Sihamoni vendredi dernier à la demande de Hun Sen.

Rainsy va ainsi participer à la dernière semaine de campagne de son parti avant les élections dont le premier ministre était jusqu'alors donné grand gagnant après 28 ans à son poste.

Il a fallu cinq heures à son cortège pour effectuer à travers la foule les quelques kilomètres séparant l'aéroport d'un parc de la capitale où il s'est adressé à ses partisans.

«Nous écrivons une nouvelle page pour le Cambodge», a-t-il déclaré, promettant de lutter contre la corruption, de s'attaquer aux injustices sociales et d'augmenter les salaires. «Cette fois, nous allons gagner les élections».

«Sa présence va galvaniser les militants et les électeurs», a de son côté prédit un porte-parole de son parti, Yim Sovann.

Certains analystes estiment également que son retour pourrait donner un coup de pouce à l'opposition dans cette campagne. Mais Hun Sen a récemment assuré qu'il ne quitterait le pouvoir que dans plus de dix ans, alors que son Parti du peuple cambodgien a largement remporté les deux dernières élections, sur fond d'accusations de fraude et d'irrégularités.

Vendredi, Rainsy avait qualifié sa grâce de «petite victoire pour la démocratie», tout en notant qu'il restait «beaucoup à faire».

Il a en effet été retiré des listes électorales et ne peut de ce fait être candidat à ces élections, à moins que le Parlement ne modifie la loi.

Le CNRP va toutefois discuter de possibles moyens d'enregistrer sa candidature, a noté Sovann, après que l'ONU a appelé lundi le Cambodge à laisser Rainsy jouer «un rôle à part entière» en politique.

Né dans une famille de la haute société, Rainsy avait quitté le Cambodge pour Paris à 16 ans après la disparition de son père, probablement tué, selon les historiens, par des hommes du futur dictateur Lon Nol.

Formé en France, il avait travaillé dans diverses banques avant de créer un cabinet d'expertise comptable.

Rentré en 1992, il avait brièvement occupé le poste de ministre des Finances dans un Cambodge qui tentait d'émerger de décennies de guerre civile.

Il avait fui en France en 2005 pour échapper à une condamnation pour avoir diffamé Hun Sen, avant d'être gracié l'année suivante.

L'opposant s'était une nouvelle fois exilé en 2009 et avait été condamné en son absence dans trois affaires à un total de 11 années de prison.

Le gouvernement de Hun Sen est régulièrement accusé de réduire les opposants au silence. Dans l'espoir de le battre enfin, Rainsy s'est allié l'an dernier avec un autre opposant, Kem Sokha, pour créer le CNRP.

Mais si les électeurs, surtout les plus pauvres, ont peut-être de l'admiration pour Rainsy, ils ont du mal à s'identifier à l'homme en raison de son parcours, a noté l'analyste indépendante Chea Vannath.

Contrairement à Hun Sen, il n'a pas vécu le régime des Khmers rouges et ses quelque deux millions de morts entre 1975 et 1979, ni participé à la libération du pays, a-t-elle ajouté.

«Rainsy a eu de meilleures opportunités pour poursuivre son éducation alors que Hun Sen a arrêté ses études pour rejoindre le mouvement de libération dans les années 1970».