Le Pakistan a conclu avec les États-Unis un accord officieux autorisant les tirs de drones américains, qu'il juge utiles, sur les repaires présumés des rebelles talibans et de leurs alliés d'Al-Qaïda dans le nord-ouest, selon un rapport d'enquête officiel pakistanais.

Cette révélation accrédite la thèse du double jeu pakistanais sur ce sujet, car Islamabad condamne officiellement les centaines de tirs d'avions sans pilotes américains qui ont frappé les zones tribales depuis 2004 en dénonçant une atteinte à sa souveraineté nationale.

Elle apparaît dans le rapport de la commission d'enquête pakistanaise chargée par le gouvernement d'expliquer comment le chef d'Al-Qaïda Oussama ben Laden, «l'homme le plus recherché du monde» après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, a pu se cacher pendant près de dix ans au Pakistan jusqu'au raid clandestin américain qui l'a tué le 2 mai 2011 à Abbottabad, dans le nord du pays.

Dans ce rapport, diffusé lundi soir par la chaîne qatarie Al-Jazeera, Ahmed Shuja Pasha, qui était à l'époque le chef des puissants services secrets pakistanais (ISI), explique aux enquêteurs que les tirs de drones américains ont leur utilité.

Devant les enquêteurs, «le directeur général (de l'ISI) a déclaré qu'il n'y avait pas d'accords écrits», mais qu'il existait «une entente politique» sur le sujet, indique le rapport.

Le Pakistan a officiellement demandé aux Américains d'arrêter leurs tirs de drones, car ils faisaient des victimes civiles, mais alors qu'«il aurait été facile de leur dire non dès le début», «il est maintenant plus difficile de le faire», a déclaré M. Pasha à la commission, selon le rapport établi à partir d'auditions menées en 2011 et 2012.

«Les tirs de drones pouvaient avoir leur utilité, mais ils représentaient une atteinte à notre souveraineté nationale», a-t-il dit.

Ils étaient légaux selon la loi américaine, mais pas selon la loi internationale», a-t-il ajouté, en confirmant au passage que la base aérienne de Shamsi (sud-ouest), prêtée par le Pakistan aux Américains, avait été utilisée par ces derniers pour faire décoller des drones qui ont bombardé les zones tribales du nord-ouest du pays.

Fin novembre 2011, le Pakistan a demandé aux Américains d'évacuer la base après une bavure de l'OTAN qui a tué 24 soldats pakistanais à la frontière afghane.

Critique sur les défaillances des services de sécurité pakistanais qui ont permis une si longue cavale de ben Laden dans le pays, le rapport l'est également sur le raid américain.

Il décrit cette opération de trois heures sur le sol pakistanais comme un «acte de guerre américain» contre lequel l'armée pakistanaise, arrivée sur les lieux après le départ du commando, aurait dû réagir plus vite.

«C'est la plus grande humiliation vécue par le Pakistan» depuis sa sécession d'avec le Bangladesh en 1971, estime-t-il.