Plus de deux millions de Tibétains en Chine ont été relogés ou déplacés de force ces dernières années dans le cadre de politiques qui portent atteinte à leur culture traditionnelle et leur mode de vie, selon un rapport de l'ONG Human Rights Watch (HRW).

Le nombre de personnes concernées représente «plus des deux tiers de la population totale» de la Région autonome du Tibet (RAT), selon ce rapport publié jeudi.

«L'échelle et la rapidité avec laquelle la population rurale du Tibet est réorganisée par des politiques de relogement ou de déplacement de masse sont sans précédent depuis l'époque de Mao», s'est indignée Sophie Richardson, directrice de HRW pour la Chine, dans un communiqué.

«Les Tibétains n'ont pas leur mot à dire dans la conception de politiques qui modifient radicalement leur mode de vie, et - dans un contexte déjà extrêmement répressif - aucun moyen de s'y opposer», a-t-elle relevé.

À l'appui de statistiques officielles chinoises, le rapport affirme que deux millions de personnes «ont été déplacées dans de nouveaux logements ou ont reconstruit leurs propres maisons entre 2006 et 2012».

En outre, «des centaines de milliers d'éleveurs nomades» dans les régions tibétaines hors RAT, comme dans la province du Qinghai, ont également été déplacés.

Selon le recensement de 2010, quelque 6,2 millions de Tibétains vivent en Chine, dont 2,7 millions dans la seule région autonome.

«Un aspect crucial de la politique affectant les communautés pastorales, et qui bouleverse de nombreux Tibétains parce qu'il touche à la culture tibétaine, est que beaucoup de ceux qui sont relogés ou déplacés ont été sédentarisés», précise le rapport.

L'organisation a interviewé 114 Tibétains vivant en dehors de la Chine entre mars 2005 et juin 2012 afin de produire ce document de 116 pages qui fustige par ailleurs l'absence ou le manque de consultation des populations concernées, l'absence de compensation appropriée et la piètre qualité des logements.

Le gouvernement chinois a récusé les conclusions «sans fondement» de l'ONG basée à New York.

«L'organisation en question critique souvent la Chine de façon délibérée et fait des déclarations sans fondement», a réagi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères lors d'une conférence de presse.

«Il est un fait indéniable que le Tibet s'est énormément développé et a accompli de grands progrès dans tous les domaines, y compris politiques, économiques et sociétaux au cours des décennies passées», a ajouté le porte-parole chinois.

D'autres ONG ont fait état ces derniers jours de prémices d'un changement de cap dans la politique tibétaine de Pékin.

Selon Radio Free Asia, les autorités ont par exemple permis le culte public du dalaï-lama, le chef spirituel des Tibétains, dans les provinces du Qinghai et du Sichuan, «en tant que leader religieux uniquement, et non pas politique».

Selon Free Tibet, des moines à Lhassa, la capitale du RAT, ont été autorisés à exposer des portraits du dalaï-lama, mettant fin à une interdiction vieille de 17 ans.

Par ailleurs, Pékin a, pour la première fois depuis septembre 2010, laissé entrer un ambassadeur des États-Unis dans cette région où cent-vingt Tibétains, en majorité des moines ou des nonnes, se sont immolés ou ont tenté de le faire depuis février 2009, d'après un décompte de Radio Free Asia.

L'ambassadeur des États-Unis en Chine Gary Locke, dont le pays ne conteste pas la souveraineté de la Chine sur le Tibet, était en famille et avec quelques collaborateurs en tournée au Tibet du 25 au 28 juin, a dit le porte-parole adjoint américain du département d'État, Patrick Ventrell.