La Mongolie élisait mercredi son président, à la recherche d'une redistribution plus équitable de la manne de ses gigantesques ressources minières, moteur du spectaculaire essor économique du «pays des steppes».

Les derniers sondages donnaient l'avantage (54%) au président sortant Tsakhia Elbegdorj qui, s'il était réélu pour un nouveau mandat de quatre ans, devrait poursuivre sa politique libérale d'ouverture aux capitaux étrangers, à l'origine d'un taux de croissance faramineux de 17,5% en 2011 et de 12,3% l'an dernier.

Les trois candidats en lice, dont un champion de lutte et, pour la première fois, une femme, assurent vouloir oeuvrer à une meilleure redistribution de ce soudain afflux de richesse, à l'origine de fortunes colossales dans un pays où le salaire moyen avoisine les 200 dollars.

Cette rhétorique de campagne n'est pas allée sans causer de frictions avec les puissants investisseurs étrangers, à l'origine du boom économique de ce pays enclavé entre Chine et Russie, survenu grâce à ses énormes réserves de charbon, de cuivre et d'or, jusque-là encore largement inexploitées.

Le géant anglo-australien Rio Tinto et le canadien Turquoise Hill Resources ont investi quelque 6,2 milliards de dollars dans la mine d'Oyu Tolgoi et prévoient d'en tirer 450 000 tonnes de cuivre et 330 000 onces d'or chaque année, en faisant l'une des plus grandes de la planète.

Une manne qui devrait fournir en 2019 un tiers environ des revenus de l'État mongol.

Mais les premières livraisons de minerai de cuivre attendues à l'exportation ont enregistré dernièrement une série de retards, pour cause de mésentente entre Rio Tinto et le gouvernement, notamment sur les conditions de rapatriement des bénéfices.

La crainte d'une mainmise étrangère sur les ressources du pays est à l'origine d'un «nationalisme minier» qui a traversé la campagne électorale.

La frénésie d'investissements a aussi gagné la capitale, Oulan-Bator, qui s'est métamorphosée avec gratte-ciel et centres commerciaux luxueux, tout en détenant le triste record de deuxième capitale la polluée du monde, selon l'OMS.

La participation allait grandissant au fil de la journée, la télévision montrant d'interminables files d'attente d'électeurs devant certains bureaux de vote de la capitale, malgré un temps gris et froid.

Le vote électronique, introduit l'an dernier contre la fraude, a connu quelques ratées avec certaines machines incapables de relever les empreintes digitales identifiant l'électeur, a constaté l'AFP.

Avant le boom minier, la grande majorité des 2,8 millions de Mongols, très dispersés sur ce pays, vivait la vie des nomades à cheval, héritiers lointain de l'empire de Gengis Khan, parvenu jusqu'au coeur de l'Europe il y a 800 ans.

Ancien journaliste, le président sortant Elbegdorj est l'un des dirigeants de la révolution pacifique qui a mis fin en 1992 à 70 ans de férule soviétique sur cet ancien satellite de l'URSS.

«Elbegdorj va gagner parce qu'il se sert pour sa campagne de toute la machine d'État», a estimé pour l'AFP Legjeem Bolor, chercheur en sciences sociales.

Toutefois, sa probable victoire «pourrait conduire à une apathie de l'électorat», a averti Julian Dierkes, expert de la politique mongole à l'université de Colombie britannique au Canada.

«J'appelle les citoyens à participer activement à l'élection», a lancé le président-candidat en déposant son bulletin.

Il a pour challenger Badmaanyambuu Bat-Erdene, membre du Parti populaire mongol (MPP) et champion de lutte de son état.

Le MPP et le Parti démocratique du président sortant ont formé une coalition au parlement durant l'essentiel de la décennie écoulée.

Bat-Erdene a gagné une popularité certaine en contribuant à faire voter une loi protégeant l'environnement - les célèbres steppes mongoles sont aussi une importante ressource touristique - et en défendant une meilleure redistribution.

Le troisième candidat, Natsag Udval, issue du Parti populaire révolutionnaire mongol (PPRM, anciens communistes), est une partisane de l'ex-président Nambar Enkhbayar, qui purge actuellement une peine de deux ans et demi de prison pour corruption.

«J'ai voté pour Udval, parce qu'elle la première femme candidate à la présidentielle», a déclaré à l'AFP un universitaire à la retraite, Munkhuu Zul, après son vote, prédisant un scrutin serré et un deuxième tour, «ou sinon, la violence dans la rue».

Le candidat qui remportera plus de 50% des voix mercredi sera élu d'office, échappant à un deuxième tour le 10 juillet.

Les soupçons de fraude avaient provoqué des violences aux législatives de 2008, faisant cinq morts.

Ouvert à 07H00 (23H00 GMT), le scrutin doit être clos à 22H00 (14H00 GMT). Les résultats pourraient être annoncés au cours de la nuit.

nc-str/ple/jld