Désavouée par les siens mercredi lors d'un vote de confiance, la première ministre travailliste australienne Julia Gillard a démissionné et laisse sa place à son grand rival, l'ancien premier ministre Kevin Rudd, à quelques semaines des élections.

Mme Gillard n'a remporté que 45 votes contre 57 en faveur de M. Rudd, son rival au sein du parti travailliste, ancien premier ministre, qu'elle avait poussé dehors il y a trois ans.

Mme Gillard, 51 ans, première femme chef de gouvernement dans l'histoire de l'Australie, avait annoncé peu avant le vote qu'elle quitterait la politique si elle perdait.

Elle a rencontré dans la soirée de mercredi le gouverneur général Quentin Bryce, représentant de la reine Elizabeth d'Angleterre, chef de l'État australien, pour présenter sa démission et proposer le retour de Kevin Rudd, 55 ans, à la tête du gouvernement.

Lors du scrutin, «l'humeur était sombre», a déclaré Chris Hayes, chargé de comptabiliser les votes.

Depuis des mois, le parti travailliste est donné largement perdant face au parti conservateur mené par Tony Abbott pour les élections du 14 septembre.

Ces derniers jours, la presse australienne bruissait d'une énième contestation menée par Kevin Rudd, déposé lors d'un putsch interne au parti en juin 2010 et remplacé par sa collègue et ministre de son gouvernement Julia Gillard.

Lors d'une conférence de presse avant le vote, M. Rudd a déclaré avoir cédé à la demande de parlementaires «en raison des circonstances risquées dans lesquelles nous nous trouvons».

«La vérité est que nous nous dirigeons vers une défaite catastrophique à moins d'un changement», a déclaré l'ancien diplomate, qui parle couramment le mandarin et dont le tempérament autoritaire lui avait valu de solides inimitiés au sein de sa formation lors des trois années qu'il a déjà passées à la tête du pays.

«Je dis aujourd'hui au peuple d'Australie: je réponds à l'appel de nombre d'entre vous, afin de faire ce que je peux pour empêcher Abbott de devenir premier ministre», a-t-il ajouté.

Après le vote, M. Rudd a fortement critiqué la politique menée au cours des années précédentes et a promis un changement radical.

«En 2007, le peuple australien m'a élu comme son premier ministre. C'est une tâche que je reprends aujourd'hui avec humilité, avec le sens de l'honneur, avec énergie et détermination», a-t-il déclaré.

«Dans les années récentes, la politique a trahi le peuple australien, il y a eu trop de négativité partout. Il y a une érosion de la confiance. Une politique négative, destructrice et personnelle a beaucoup contribué à apporter le déshonneur à notre parlement», a asséné M. Rudd.

«Tout cela doit cesser», a-t-il déclaré.

Plusieurs ministres importants de l'équipe de Mme Gillard ont refusé de travailler avec M. Rudd, dont le vice-Premier ministre Wayne Swan et le ministre du Commerce Craig Emerson.

Le vote de ce mercredi était le troisième vote de confiance à l'encontre de Mme Gillard, en à peine plus d'un an.

M. Rudd a dirigé le pays entre 2007 et 2010. Il était parvenu à amener les travaillistes au pouvoir après onze ans de gouvernement conservateur et jouissait alors d'une bonne cote. Mais ses maladresses, son autoritarisme, voire sa mégalomanie selon des collègues travaillistes, avaient provoqué une révolution interne au parti.

Lors de législatives anticipées, les Australiens avaient ensuite élu pour la première fois depuis 70 ans un parlement sans majorité. Mme Gillard était toutefois parvenue à former un gouvernement de coalition avec le soutien d'indépendants et des écologistes.

Cette rousse arrivée de son Pays de Galles natal peu avant ses cinq ans détonnait dans le paysage souvent misogyne de la politique australienne, elle qui se revendique athée et républicaine (l'Australie est une monarchie constitutionnelle) et vit en concubinage, sans enfant.

Très décriée, cibles d'insultes sexistes, elle est cependant parvenue à faire passer une taxe carbone frappant les entreprises polluantes, alors que son prédécesseur y avait échoué.

Combative, dotée d'un humour froid, Mme Gillard ne manque jamais une occasion de railler le sexisme et la misogynie de son principal opposant (conservateur), Tony Abbott.

Photo AP

Kevin Rudd