Le nouveau premier ministre pakistanais Nawaz Sharif a réclamé mercredi la fin des tirs de drones américains lors de son premier discours devant l'Assemblée nationale qui venait de l'élire à la tête du gouvernement pour la troisième fois, un record dans l'histoire du pays.

Plus de 13 ans après avoir été déposé par un coup d'État militaire qui l'a forcé à l'exil, Nawaz Sharif, vainqueur des élections générales du 11 mai, a comme prévu pris les rênes du pays après un vote des députés.

Il devait ensuite prêter serment dans l'après-midi devant le président Asif Ali Zardari. À 63 ans, Sharif devient ainsi le premier homme politique de l'histoire du Pakistan, né en 1947, à accéder à cette fonction une troisième fois.

Mais la satisfaction de ce retour au goût de revanche devrait être de courte durée, car il sera confronté à d'énormes défis, notamment celui de résoudre les graves problèmes énergétiques et sécuritaires qui maintiennent une partie des 180 millions de Pakistanais dans la pauvreté et l'instabilité.

Peu après le vote, Sharif a pris la parole devant les députés pour présenter les grandes lignes de sa politique.

Il y a notamment demandé la fin des tirs de drones américains qui visent régulièrement les rebelles islamistes talibans et leurs alliés d'Al-Qaïda au Pakistan : «Nous respectons la souveraineté des autres, et ils devraient eux aussi respecter la nôtre et notre indépendance. Cette campagne doit finir».

Les tirs de drones dans les zones tribales du nord-ouest du pays, repaires des rebelles islamistes depuis la fin 2001, ont débuté en 2004, mais se sont largement intensifiés à partir de 2008, devenant l'un des principaux instruments de la politique militaire extérieure de l'administration Obama.

Depuis août 2008, près de 300 bombardements de drones ont tué plus de 2000 personnes, en très grande majorité des combattants islamistes selon les autorités pakistanaises. Si Washington défend leur précision, ils font aussi des victimes civiles et alimentent le fort sentiment anti-américain déjà en cours dans le pays.

Vendredi dernier, Nawaz Sharif avait fermement condamné le dernier tir de drone, qui avait tué deux jours plus tôt le numéro deux du Mouvement des talibans du Pakistan (TTP), Wali ur-Rehman. Le TTP a, après ce bombardement, déclaré qu'il retirait sa proposition de pourparlers de paix avec le gouvernement, à laquelle M. Sharif s'était déclaré ouvert.

Principal groupe armé rebelle islamiste du pays, le TTP a promis de venger la mort de Rehman et a déclaré tenir Islamabad pour responsable.

Le TTP, qui combat le gouvernement pakistanais sans relâche depuis 2007 pour dénoncer son alignement sur la politique américaine, est considéré comme le principal responsable d'une vague d'attentats, pour la plupart suicide, qui a tué quelque 6000 personnes dans tout le Pakistan depuis près de six ans.

Islamabad est depuis plus de dix ans un allié essentiel des Américains dans la «guerre contre le terrorisme» qu'ils mènent dans la région, notamment dans l'Afghanistan voisin. Mais les relations entre les deux pays sont difficiles, Washington accusant régulièrement Islamabad de jouer un double jeu avec les rebelles talibans afghans, alors que le Pakistan dénonce souvent de son côté la brutalité, l'unilatéralisme et l'inefficacité de la stratégie américaine.

Elles sont considérées comme cruciales pour régler le conflit dans l'Afghanistan voisin alors que la force internationale de l'OTAN menée par les Américains prévoit de retirer la grande majorité de ses soldats à la fin 2014.

Sur le plan intérieur, M. Sharif s'est engagé dans son premier discours à tout faire pour résoudre la crise économique, sans cacher que cela serait douloureux.

«Les gens doivent savoir que l'économie du pays est dans un très mauvais état, au-delà de l'imaginable», avec des dettes qui se comptent en dizaines de milliards d'euros «que nous devrons rembourser», a-t-il souligné.

Des années de mauvaise gestion et de corruption ont précipité le pays dans une grave crise énergétique et conduit le gouvernement à couper l'électricité de plus en plus souvent, jusqu'à 20 heures par jour dans certaines régions, transformant la vie quotidienne en épreuve, notamment pendant l'été étouffant (près de 50 °C).