Le parti au pouvoir depuis plus d'un demi-siècle en Malaisie a été une nouvelle fois reconduit à l'issue des législatives très disputées de dimanche, des résultats immédiatement contestés par le chef de l'opposition, criant à la fraude électorale.

Le Barisan Nasional (BN, Front national), coalition du premier ministre sortant Najib Razak, a remporté 133 des 222 sièges au Parlement, contre 85 pour le Pakatan Rayak (PR, Pacte populaire) d'Anwar Ibrahim, un réformateur charismatique ayant fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille, selon des résultats officiels quasi définitifs.

Le Pakatan détient 75 sièges dans le Parlement sortant, contre 135 pour le Barisan.

M. Anwar, qui brigue le gouvernement depuis une quinzaine d'années, a cependant immédiatement rejeté ces résultats.

«Ces élections sont entachées de fraude et la Commission électorale a failli», a-t-il déclaré à la presse. «Vingt à trente sièges ont été perdus avec des majorités très faibles. Nous envisageons tout recours judiciaire possible», a-t-il ajouté.

Pendant la campagne, le chef de l'opposition avait averti à de multiples reprises qu'il ne se laisserait pas «voler la victoire», accusant le parti au pouvoir de fraudes électorales. Il avait notamment dénoncé la présence de dizaines de milliers d'électeurs «douteux».

Les inquiétudes de fraudes électorales avaient été ravivées après la découverte la semaine dernière que l'encre «indélébile», dans laquelle les électeurs doivent tremper un doigt pour éviter les votes multiples frauduleux, partait en fait au premier lavage.

Mais le premier ministre sortant a appelé l'opposition à «accepter le résultat» des élections «dans l'intérêt national».

La reconduction du parti au pouvoir représente une victoire personnelle pour le premier ministre Najib Razak, un apparatchik de 59 ans qui a réussi à se muer en réformateur afin de moderniser l'image de son parti, la toute puissante Organisation nationale unifiée malaise (UMNO), moteur de la coalition Barisan, essoufflée après 56 ans de règne quasi absolu et cible de nombreuses accusations de corruption.

L'échec est en revanche cinglant pour Anwar Ibrahim, qui brigue le gouvernement depuis une quinzaine d'années, dont six derrière les barreaux. M. Anwar avait été condamné en 1998 pour «sodomie», une accusation largement jugée politique, ce qui avait stoppé net son ascension vers les plus hautes marches du pouvoir alors qu'il était vice-premier ministre et pressenti pour prendre la tête du gouvernement.

Finalement blanchi, il avait été libéré après six ans de prison, devenu une sorte de Nelson Mandela local.

Mais, même s'il n'a pas réussi à provoquer la première alternance politique de la Malaisie depuis l'indépendance en 1957, M. Anwar a réussi à consolider la position de sa coalition tripartite, après sa percée inédite réalisée aux législatives de 2008.

Le Pakatan améliore en effet d'une dizaine de sièges le nombre de ses députés dans la Chambre sortante (75).

De son côté, la coalition au pouvoir a réussi à contrecarrer les ambitions de l'opposition, après avoir brandi le spectre du chaos en cas de victoire de l'opposition, tout en revendiquant la responsabilité du formidable boom économique du «tigre» malaisien, une nation musulmane de 28 millions d'habitants passée en 25 ans du stade de pays en développement à celui de pays développé.

Le Barisan n'atteint cependant pas son objectif de retrouver la confortable majorité des deux tiers dont il disposait avant la poussée de l'opposition aux législatives de 2008, signe que l'UMNO n'a pas totalement réussi à recouvrer sa popularité. Celle-ci a été mise à mal par les multiples scandales de corruption dont le moindre n'est pas celui des sous-marins Scorpène, impliquant le français Thales et Najib Razak. Une enquête préliminaire a été ouverte en France au sujet de ce contrat d'un milliard d'euros.