Une série d'attentats des talibans contre des partis laïcs et des candidats indépendants a fait plus d'une vingtaine de morts ce week-end au Pakistan, à moins de deux semaines d'élections cruciales pour la transition démocratique dans ce géant musulman.

Le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), mouvement des talibans pakistanais, en lutte ouverte contre le pouvoir à Islamabad et hostile à la tenue de ces élections législatives, a multiplié les attentats à travers le pays au cours des derniers jours.

«Ces prétendues élections du 11 mai 2013 se tiendront sous un système laïc et démocratique dans un pays né sous la bannière de l'islam», a déploré dans un communiqué le porte-parole du TTP, Ehsanullah Ehsan.

Or, la loi islamique est contraire à la «doctrine laïque de Rousseau, Kant et Bentham», philosophes européens des Lumières, car un «homme ne peut pas être laïc et musulman à la fois», a-t-il souligné avant de revendiquer la majorité des attentats du week-end.

Une bombe a explosé dimanche matin à proximité du local électoral de Noor Akbar Khan, un candidat indépendant dans la zone tribale d'Orakzaï, faisant au moins cinq morts et une vingtaine de blessés. «Le bilan pourrait encore s'alourdir, car certains blessés sont dans un état critique», a dit à l'AFP Tanveer Khan, un haut responsable de la police locale.

Quelques minutes plus tard, le local électoral de Nasir Khan Afridi, candidat indépendant dans la zone tribale voisine de Khyber, théâtre d'affrontements sanglants entre les talibans et des milices progouvernementales, a fait au moins trois victimes, selon les autorités.

Les zones tribales semi-autonomes du nord-ouest pakistanais, situées à la lisière de l'Afghanistan, servent de repaire aux talibans et à d'autres groupes liés à Al-Qaïda.

De nombreuses personnes ayant fui les violences dans ces zones reculées se sont réfugiées à proximité de Peshawar, grande ville du nord-ouest pakistanais. Des candidats dans les zones tribales ont donc des bureaux dans la grande région de Peshawar afin d'encourager les personnes déplacées par les violences à voter aux élections. Ce sont les locaux des deux candidats indépendants dans la région de Peshawar qui ont été visés dimanche.

Un chapelet d'attentats à Karachi

À Karachi, la métropole économique située dans le sud du pays, les trois partis laïcs membres de la coalition sortante - le Parti du peuple pakistanais (PPP), le parti national Awami (ANP) et le Muttahida Qaumi Movement (MQM) - ont fait les frais d'attentats ayant fauché une quinzaine de vies ce week-end.

Le plus meurtrier d'entre eux a fait dix morts vendredi soir contre les bureaux de l'ANP, une petite formation laïque solidement ancrée au sein de l'ethnie Pachtoune, dont est aussi issue la majorité des talibans.

Au moins 55 personnes ont été tuées depuis le 11 avril dans des attentats liés à la campagne électorale au Pakistan. L'organisation Amnesty International a appelé les autorités pakistanaises à enquêter sur ces violences préélectorales qui limitent la capacité des partis à faire campagne et pourraient décourager des électeurs le jour du scrutin.

Le chef de la principale force d'opposition, Nawaz Sharif, prend la parole derrière des vitres pare-balles lors de rassemblements, alors que l'ex-gloire du cricket Imran Khan, à la tête d'un parti en pleine ascension, a dû annuler une réunion prévue le 1er mai à Karachi en raison des menaces d'attentats.

Quant à Bilawal Bhutto Zardari du PPP, fils de la défunte Première ministre Benazir Bhutto et du président Asif Ali Zardari, il n'a pris part à aucun bain de foule en raison de ces menaces des insurgés.