Bilawal Bhutto se lance en politique, cinq ans après l'assassinat de sa mère, l'ancienne première ministre Benazir Bhutto. Les élections législatives auront lieu le 11 mai. Il doit convaincre 25 millions de jeunes électeurs désabusés par un régime parlementaire incapable de redresser le pays. Selon un sondage du British Council, 38% des jeunes préfèrent la charia à la démocratie.

Ils avaient imaginé une manifestation devant des dizaines de milliers de sympathisants. Le 4 avril dernier, le Parti du peuple pakistanais (PPP), la formation au pouvoir, a plutôt organisé son premier rassemblement pour la campagne des législatives à huis clos.

Pour des raisons de sécurité, le président du parti, Bilawal Bhutto, a fait son discours à 1h30 du matin. À l'approche du scrutin, les autorités craignent les attentats des talibans. Le PPP ne veut pas revivre le cauchemar du 27 décembre 2007, lorsque la mère de Bilawal et leader du mouvement, Benazir Bhutto, a été assassinée par un kamikaze lors d'un rassemblement.

Cette fois, le PPP ne doit pas perdre sa figure de proue. Après cinq ans au pouvoir, le bilan de son action au gouvernement n'est pas bon. L'économie est à l'agonie. Le terrorisme a fait plus de 2000 morts en 2012.

Bilawal Bhutto est son dernier atout pour conquérir l'électorat, en particulier les jeunes de moins de 30 ans, qui représentent 65% de la population. Il n'a que 24 ans et ne pourra se présenter à une élection que dans un an. Mais son visage est sur toutes les affiches de campagne.

«Les gens veulent du changement et Bilawal représente l'avenir», estime l'ancien ministre des Minorités, Paul Bhatti.

Le changement dans la continuité

Son entrée en politique incarne plutôt la continuité. Les Bhutto dominent la démocratie pakistanaise depuis 30 ans. Le grand-père et la mère de Bilawal ont été premiers ministres dans les années 70 et 90.

Bilawal s'apprête à prendre la relève. Depuis cinq ans, son père, le président Asif Ali Zardari, le prépare à l'exercice du pouvoir. Il l'emmène dans ses visites à l'étranger et dans les réunions politiques.

Autour de l'héritier, il a constitué un cercle de politiciens chevronnés. L'ambassadrice du Pakistan à Washington le forme aux questions de politique étrangère. L'ancien ministre de l'Information lui apprend à dialoguer avec les médias. Yousuf Raza Gilani, premier ministre de 2008 à 2012, le familiarise avec le jeu politique.

Bilawal semble pressé de diriger le pays. Le 24 décembre 2012, il a participé à un souper de Noël avec la communauté chrétienne à Karachi. «Vous n'avez pas peur d'être assassiné?», lui a demandé Paul Bhatti, le ministre des Minorités religieuses. «Votre frère aussi a été abattu par les talibans, a répondu le jeune homme. Nous devons nous retrousser les manches pour débarrasser ce pays du terrorisme et du fanatisme.»

Dynasties et désillusion

Le PPP n'est pas le seul parti à miser sur un héritier. Le PML-N, dirigé par Nawaz Sharif, est la deuxième force politique du pays. Deux fois premier ministre dans les années 90, Nawaz Sharif prépare son fils Hamza à lui succéder. Mais les Pakistanais ne croient plus en cette démocratie dynastique. D'après un sondage du British Council, 70% des 5200 jeunes interrogés pensent qu'une dictature militaire (32%) ou un régime appliquant la charia (38%) serait plus apte à gouverner.

Bilawal ne fait d'ailleurs pas grand-chose pour séduire l'électorat. Il ne va jamais à la rencontre du peuple et n'accorde aucune entrevue. Le président Zardari lui a fait construire une propriété de 5 ha estimée à 50 millions de dollars à Lahore. Le jeune loup paraît loin du Pakistan et de sa misère.

Bilawal Bhutto en cinq dates:

> 21 septembre 1988: naissance à Karachi.

> 2007-2010: études d'histoire au Christ Church College d'Oxford.

> 27 décembre 2012: premier discours devant les militants à l'occasion du quatrième anniversaire de la mort de sa mère, Benazir Bhutto.

> 26 mars 2013: quitte précipitamment le pays après des désaccords avec son père sur la gestion du parti.

> 1er avril 2013: rentre au Pakistan pour mener la bataille électorale.