Les diplomates étrangers en poste à Pyongyang semblaient samedi décidés à y rester, malgré un avertissement de la Corée du Nord leur suggérant d'envisager l'évacuation de leurs missions, dans un contexte de forte tension militaire et diplomatique.

Le pouvoir de Pyongyang, qui a installé un deuxième missile de moyenne portée sur sa côte est et menace d'effectuer des frappes, y compris nucléaires, sur des objectifs américains, a averti vendredi qu'il ne pouvait plus garantir la sécurité des missions diplomatiques à Pyongyang à compter du 10 avril.

Mais la plupart des gouvernements étrangers concernés ont laissé entendre qu'ils n'avaient pas l'intention de retirer leur personnel de Pyongyang dans l'immédiat. Et certains ont estimé que la pression des autorités nord-coréennes était un stratagème pour faire monter l'inquiétude internationale autour de la crise dans la péninsule coréenne.

L'Allemagne a annoncé samedi que son ambassade à Pyongyang pouvait pour le moment continuer à fonctionner. «La sécurité de l'ambassade allemande et son exposition au danger sont évaluées en permanence. À ce stade, l'ambassade peut travailler», a déclaré dans un communiqué le ministère allemand des Affaires étrangères.

«En ce qui concerne la sécurité de l'ambassade, il y a des consultations permanentes, particulièrement avec les autres partenaires étrangers qui ont eux aussi des ambassades» à Pyongyang, a ajouté le ministère allemand.

Londres a exprimé son scepticisme quant à la portée de l'avertissement des Nord-Coréens: «Nous pensons qu'ils ont fait cela dans le cadre de la rhétorique de leur pays selon laquelle les États-Unis constituent une menace pour eux», a déclaré une porte-parole du ministère britannique des Affaires étrangères.

Les chefs des missions diplomatiques des sept pays de l'Union européenne présents en Corée du Nord (Allemagne, Royaume-Uni, Suède, Pologne, Roumanie, République tchèque, Bulgarie) se sont réunis samedi en fin de journée à Pyongyang pour discuter de la situation créée par l'avertissement de Pyongyang.

Les porte-parole des ministères des Affaires étrangères de plusieurs de ces sept pays ont ensuite refusé de commenter la réunion, renvoyant les journalistes à une réunion sur la Corée du Nord des ambassadeurs des 27 pays de l'UE qui doit, selon une source européenne, se tenir lundi à Bruxelles.

En Corée du Sud, un responsable gouvernemental cité par l'agence de presse Yonhap a estimé que les diplomates étrangers allaient ignorer le message de Pyongyang.

«La plupart des gouvernements étrangers considèrent le message nord-coréen comme un moyen d'attiser la tension dans la péninsule nord-coréenne», a déclaré ce responsable sud-coréen sous couvert de l'anonymat.

Les Nations unies n'envisagent pas non plus d'évacuation. Les personnels de l'ONU en Corée du Nord «restent engagés dans leur travail humanitaire et de développement dans tout le pays», a déclaré Martin Nesirky, porte-parole de l'ONU à New York.

Pyongyang a multiplié ces dernières semaines les déclarations belliqueuses, furieux du nouveau train de sanctions adopté par l'ONU après son nouvel essai nucléaire début février et des manoeuvres militaires conjointes en cours entre les États-Unis et la Corée du Sud.

À Washington, le porte-parole de la Maison-Blanche Jay Carney a indiqué vendredi qu'un éventuel tir de missile nord-coréen ne serait pas une surprise pour le gouvernement américain. «Nous ne serions pas surpris de les voir agir de la sorte», a déclaré M. Carney. Le Pentagone a jugé que «toute action provocatrice supplémentaire serait regrettable».

Séoul a fourni des précisions sur les préparatifs militaires nord-coréens. «Il a été confirmé que la Corée du Nord avait transporté en train, en début de semaine, deux missiles Musudan, de moyenne portée, vers la côte est, et les avait installés sur des véhicules équipés d'un dispositif de tir», a déclaré un haut responsable du gouvernement sud-coréen.

Le Musudan aurait une portée de 3000 kilomètres, soit la capacité d'atteindre la Corée du Sud ou le Japon. Avec une charge légère, il pourrait toucher des cibles à 4000 kilomètres, et donc, en théorie, frapper Guam, île du Pacifique située à 3380 km de la Corée du Nord et où sont stationnés 6000 soldats américains.

Au cours d'un entretien téléphonique avec le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wan Yi, a souligné la nécessité que la crise soit résolue par le dialogue. M. Ban s'est déclaré «confiant que la direction chinoise fera de son mieux pour contribuer à calmer la situation et pour aider Pyongyang à modifier son attitude», a indiqué l'ONU dans un communiqué.

Par ailleurs, l'accès au complexe industriel intercoréen de Kaesong, devenu un pion dans la guerre des nerfs en cours, restait fermé samedi, la Corée du Nord refusant depuis mercredi l'entrée du site aux Sud-Coréens qui y vont quotidiennement travailler. Plusieurs camions sud-coréens chargés de ravitailler le site ont été contraints de rebrousser chemin.

Après le départ samedi de 92 employés sud-coréens, il restait encore 516 ressortissants sud-coréens dans le complexe, a rapporté le ministère sud-coréen de l'Unification.

Les entrepreneurs sud-coréens ont averti que si le blocage des mouvements de matières premières et d'employés persistait encore plusieurs jours, ils seraient obligés de mettre fin à leurs activités sur ce site qui rapporte de précieuses devises à Pyongyang.

La Corée du Nord a pour sa part menacé de retirer du site qui se trouve près de la frontière du côté nord-coréen, ses 53 000 ressortissants employés par 123 compagnies sud-coréennes.