La Corée du Nord a franchi un énième degré dans la confrontation en annonçant jeudi avoir approuvé le projet d'opérations militaires contre les États-Unis, y compris d'éventuelles frappes nucléaires, suscitant les réactions inquiètes de l'ONU et de nombreuses chancelleries à l'étranger.

Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon s'est dit «profondément préoccupé» par la surenchère rhétorique de la Corée du Nord qui multiplie les violations des résolutions votées par le Conseil de sécurité depuis un premier essai nucléaire en 2006.

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Dans un communiqué cité par l'agence de presse officielle nord-coréenne KCNA, l'état-major général de l'armée nord-coréenne a déclaré informer officiellement Washington que les Américains seront «écrasés» par des «moyens de frappe nucléaire».

«L'opération impitoyable» des forces nord-coréennes «a été définitivement examinée et ratifiée», affirme l'armée, selon qui une guerre pourrait éclater «aujourd'hui ou demain».

«Les États-Unis feraient mieux de réfléchir sur la grave situation actuelle», ajoute-t-elle, jugeant que les vols de bombardiers B-52 et B-2 américains au-dessus de la Corée du Sud étaient à l'origine de l'aggravation de la crise.

Malgré l'essai considéré comme réussi d'un tir de missile en décembre, la Corée du Nord n'est pas considérée à ce stade capable de frapper directement le territoire américain. Mais Pyongyang a menacé de s'en prendre à Guam et Hawaii et est en mesure de frapper en Corée du Sud et au Japon où sont respectivement stationnés 28 500 et 50 000 militaires américains.

Pyongyang déploie un missile de moyenne portée



La Corée du Nord a installé un missile de moyenne portée sur sa côte est, a annoncé jeudi le ministre sud-coréen de la Défense, Kim Kwan-jin, qui a toutefois admis ne pas savoir si cet engin était ou non armé.

S'exprimant devant la commission de la Défense du Parlement à Séoul, Kim Kwan-jin a ajouté que le missile était susceptible de parcourir «une distance considérable», mais pas au point d'atteindre la partie continentale du territoire des États-Unis.

«Il pourrait être destiné à un tir d'essai ou à des manoeuvres militaires», a poursuivi le ministre.

Il s'agit d'un missile Musudan, pour la première fois apparu publiquement à l'occasion d'un défilé militaire en octobre 2010 et qui aurait une portée théorique de 3000 kilomètres, soit la capacité d'atteindre la Corée du Sud ou le Japon.

On ignorait si cet engin avait déjà subi des essais par le passé.

Selon la presse sud-coréenne et japonaise, le Nord semble avoir positionné sur ses côtes est une batterie de missiles Musudan à moyenne portée (3000 km). Des sources militaires citées par l'agence sud-coréenne Yonhap avancent que le Nord pourrait tirer un missile le 15 avril, anniversaire de la naissance du fondateur du régime communiste, Kim Il-Sung, mort en 1994.

«Nous avons vu aujourd'hui une nouvelle déclaration de la Corée du Nord, qui brandit encore une fois une menace non constructive», a réagi du côté américain la porte-parole du Conseil national de sécurité, Caitlin Hayden, parlant d'une nouvelle déclaration provocante qui isole encore un peu plus la Corée du Nord du reste de la communauté internationale».

«La Corée du Nord devrait arrêter ses menaces provocantes et plutôt essayer de se conformer à ses obligations internationales», a ajouté Mme Hayden.

Peu avant cette annonce de l'armée nord-coréenne, diffusée mercredi après-midi aux États-Unis, le Pentagone avait annoncé l'envoi d'une batterie antimissile THAAD sur Guam, d'où décollent les B-52 qui ont survolé la Corée du Sud.

Cette défense s'ajoute à deux destroyers antimissile américains déployés dans le Pacifique occidental.

Pour le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel, qui s'est entretenu avec son homologue chinois Chang Wanquan, les provocations de Pyongyang posent un «grave et réel danger».

Multiplication des appels à la Chine

La multiplication des menaces inquiète au plus haut point la communauté internationale.

La Russie a jugé «totalement inacceptable» «le non-respect par Pyongyang des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU». Les initiatives de Pyongyang «pour le moins compliquent, voire bloquent les perspectives de reprise des pourparlers à six», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Alexandre Loukachevitch.

La Chine, seul allié de poids de Pyongyang, a demandé à «toutes les parties concernées de garder leur calme et de faire preuve de retenue».

Berlin et Paris ont également appelé Pékin à tenter d'amadouer le régime de Kim Jong-Un, la France souhaitant que la Chine, qui a «du pouvoir sur la Corée du Nord», intervienne dans la crise.

L'Union européenne a appelé Pyongyang jeudi à ne pas «alimenter les tensions» et à se «réengager» en faveur de la paix et de la sécurité en renonçant au redémarrage de son réacteur nucléaire de la centrale de Yongbyon.

«Ce serait une claire violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, de même que de ses engagements pris en 2007 dans le cadre des pourparlers à Six de fermer ces installations».

Ban Ki-moon a par ailleurs demandé une levée rapide des restrictions contre les travailleurs sud-coréens sur le site industriel intercoréen de Kaesong, en territoire nord-coréen.

Le régime de Pyongyang a en effet empêché jeudi, pour la seconde journée consécutive, des centaines d'employés sud-coréens de se rendre à Kaesong ou plusieurs centaines d'entre eux travaillent pour 123 entreprises sud-coréennes.

Pyongyang a même menacé de retirer ses 53 000 ouvriers du site, «si les marionnettes sud-coréennes et les médias conservateurs continuent à (nous) dénigrer».

Précieuse source de devises étrangères dont la Corée du Nord a grand besoin, le complexe de Kaesong est toujours resté ouvert depuis sa création en 2004, malgré les crises répétées sur la péninsule, à l'exception d'une seule journée, en 2009. Pyongyang en avait bloqué l'accès pour protester contre des manoeuvres militaires conjointes américano-sud-coréennes.

Pour Yun Duk-Min, professeur à l'académie sud-coréenne de diplomatie, la plus grande inconnue est l'attitude du jeune dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un qui a succédé, à même pas trente ans, à son père Kim Jong-Il lorsque celui-ci est décédé en décembre 2011.

«Le problème est de savoir si Kim, qui est encore jeune et inexpérimenté, va savoir maîtriser l'escalade. Cela va-t-il s'arrêter? C'est la question préoccupante», estime-t-il.