La Corée du Nord a empêché mercredi les employés sud-coréens d'entrer dans le complexe industriel intercoréen de Kaesong, poussant Séoul à ne pas exclure une action militaire pour protéger ses ressortissants.

Le complexe de Kaesong, situé en territoire nord-coréen et symbole de la coopération entre les deux pays, est ainsi devenu le dernier foyer de crispation dans la péninsule coréenne qui connaît une très nette escalade des tensions.

«Le Nord nous a indiqué ce matin qu'il n'autoriserait que les départs depuis Kaesong et interdirait les trajets vers» le complexe, a déclaré mercredi Kim Hyung-suk, porte-parole du ministère sud-coréen de l'Unification, responsable des relations entre les deux pays.

Séoul a prévenu qu'il disposait d'un plan d'urgence, qui prévoit un possible recours à la force, pour garantir la sécurité de ses citoyens travaillant à Kaesong.

Les 484 Sud-Coréens qui devaient se rendre au sein du complexe n'ont pas été autorisés à le faire par la Corée du Nord, selon le ministère.

Sur les 861 Sud-Coréens présents à Kaesong mercredi, 33 avaient quitté le site mercredi après-midi, des centaines ayant décidé de rester pour assurer le bon fonctionnement des entreprises.

«Nous avons préparé un plan d'urgence, y compris une possible action militaire, en cas de situation grave», a fait savoir le ministère de la Défense à propos de la protection des Sud-Coréens sur le site.

«Ici, ça marche comme d'habitude. Il ne semble pas que le site sera fermé», a déclaré un cadre sud-coréen depuis l'intérieur du site, Kim Dong-kyu, d'un ton calme.

La zone industrielle implantée à 10 km à l'intérieur de la Corée du Nord a été inaugurée en 2004 dans une volonté symbolique d'établir une coopération entre les deux Corées.

La Russie s'est dite très préoccupée par la situation «explosive, à proximité de (ses) frontières en Extrême-Orient», tandis que la Chine, seul allié de poids de Pyongyang, a demandé à «toutes les parties concernées de garder leur calme et de faire preuve de retenue».

La France a souhaité mercredi pour sa part que la Chine, qui a «du pouvoir sur la Corée du Nord», intervienne dans la crise, par la voix de son chef de la diplomatie, Laurent Fabius, qui n'a pas exclu un recours à l'arme nucléaire par un dictateur «imprévisible».

«Nous avons demandé une réunion du Conseil de sécurité» de l'ONU, a ajouté M. Fabius, annonçant qu'il se rendrait «en Chine à la fin de la semaine prochaine».

À Berlin, un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Andreas Peschke, a également appelé la Chine à jouer un rôle apaisant vis-à-vis de Pyongyang.

«Nous attendons de la Chine, qui a un rôle particulier, en tant que voisin et jusqu'ici plus important allié de la Corée du Nord, de jouer ce rôle de façon responsable et apaisante», a-t-il dit mercredi.

Précieuse source de devises étrangères dont la Corée du Nord a grand besoin, le complexe de Kaesong est toujours resté ouvert malgré les crises répétées sur la péninsule, à l'exception d'une seule journée, en 2009. Pyongyang en avait bloqué l'accès pour protester contre des manoeuvres militaires conjointes américano-sud-coréennes.

Kaesong accueille environ 53 000 Nord-Coréens travaillant pour le compte de 120 entreprises sud-coréennes, dans le secteur manufacturier principalement.

Cho Han-bum, analyste à l'Institut coréen pour l'unification nationale, juge peu probable une fermeture du site par Pyongyang. «Fermer l'ensemble du site aurait des conséquences financières suffisamment graves pour provoquer des émeutes» parmi les employés nord-coréens, estime-t-il.

Le fonctionnement du site est considéré comme un baromètre des relations intercoréennes et sa fermeture prolongée marquerait une nette escalade des tensions.

Malgré les mises en garde des États-Unis et de la Corée du Sud, le Nord a multiplié les annonces et les actes de défi depuis le lancement réussi en décembre d'une fusée, considéré par la communauté internationale comme un tir d'essai de missile balistique, puis un troisième essai nucléaire en février.

Et dans son bras de fer avec le reste du monde, la Corée du Nord a été plus loin mardi en annonçant son intention de redémarrer un réacteur nucléaire arrêté en 2007 en dépit des résolutions de l'ONU lui interdisant tout programme atomique.

En réaction, le secrétaire d'État américain John Kerry a dénoncé, au côté de son homologue sud-coréen Yun Byung-se, «la rhétorique inacceptable (...) du gouvernement nord-coréen ces derniers jours».

«En fin de compte, ce que (le dirigeant nord-coréen) Kim Jong-un choisit de faire, c'est de la provocation. C'est dangereux, imprudent, et les États-Unis n'accepteront pas la République populaire démocratique de Corée en tant qu'État nucléaire», a déclaré John Kerry.

La Corée du Nord multiplie certes les déclarations belliqueuses, mais la Maison-Blanche a souligné que cette «rhétorique» n'était accompagnée d'aucun geste présageant d'une action militaire d'ampleur.