Habitué aux coups d'État militaires, le Pakistan vient de voir un gouvernement aller au bout de son mandat pour la première fois de son histoire. Résultat : le 11 mai prochain, 86 millions d'électeurs seront appelés aux urnes pour les législatives. Les Pakistanais sont néanmoins déçus par le parti au pouvoir et sont à la recherche d'un sauveur, explique notre journaliste.

Qui sauvera le Pakistan? Pour 100 000 personnes qui se sont rassemblées dans le centre de Lahore samedi dernier, c'est Imran Khan, leur idole, qui le peut.

Au milieu des haut-parleurs qui crachent des chants patriotiques et des ballades populaires, une foule de curieux côtoie des partisans surexcités, reconnaissables à leur t-shirt marqué du visage de leur protégé. Le week-end dernier, cet ancien joueur de cricket a organisé le premier rassemblement de la campagne.

Après cinq ans à la tête du gouvernement fédéral, le Parti du peuple pakistanais (PPP) a un mauvais bilan. « Ce pays est devenu invivable «, soupire Mehreen Rana. Âgée de 32 ans, cette électrice du PTI aux longs cheveux noirs est à bout de nerfs. « Je n'ai plus d'eau ni de gaz chez moi. L'électricité est coupée toutes les 30 minutes. «

Comme la plupart des villes, Lahore est privée de courant de 10 à 12 heures par jour. À cause de la crise énergétique, le PIB n'a augmenté que de 3,7 % l'an passé, bien en dessous des économies de l'Asie du Sud.

Musharraf de retour

Difficile dans ces conditions de créer assez d'emplois pour les millions de jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Selon l'office pakistanais des statistiques, 46 % de la population a moins de 20 ans.

Pire, les pénuries poussent les ouvriers au chômage technique. « Je suis salarié dans une imprimerie, explique Mohamed Tahir, homme chétif de 20 ans venu acclamer Imran Khan. Avant, je travaillais de 8 à 10 heures par jour. Mais sans électricité pour faire tourner les machines, je ne travaille plus que quatre heures. Les partis au pouvoir se renvoient la balle alors qu'ils sont responsables de cette situation. À cause d'eux, mon salaire a baissé de moitié ! «

Lassés, les Pakistanais attendent celui qui les sortira du marasme. Les appelés sont nombreux. Même le général Musharraf, le dictateur qui a dirigé le pays de 1999 à 2008, s'est lancé dans la campagne après quatre années d'exil, alors qu'il a peu de soutien. Moins d'un millier de personnes l'ont accueilli à sa descente d'avion dimanche.

Mesures populistes

Pour séduire les électeurs, les partis rivalisent de propositions et de mesures populistes. Le PTI prétend éradiquer la corruption et le terrorisme en trois mois.

À Lahore, c'est le PML-N qui gouverne. Un an avant le scrutin, il a distribué des ordinateurs portables aux étudiants et a aménagé une ligne de bus ultramoderne. Le ticket, vendu 20 roupies (20 cents), est subventionné.

Le PPP n'est pas en reste. Depuis cinq ans, il distribue de l'argent sans aucune condition aux plus pauvres, notamment dans ses bastions électoraux de la province du Sindh et du sud du Penjab. Selon les chiffres du gouvernement fédéral et de la Banque mondiale, au moins 120 milliards de roupies (1,2 milliard de dollars) auront été versés à plus de 3,5 millions de foyers entre 2008 et 2013.

Combiné à la corruption, au terrorisme et à la chute des investissements étrangers, ce programme a mis les finances publiques à genoux. Le 6 mars, le directeur de la Banque asiatique de développement à Islamabad a prévenu que d'ici trois mois, le Pakistan n'aurait plus assez de devises pour payer ses importations. Selon lui, le pays devrait solliciter une aide de 9 milliards de dollars américains auprès du FMI cette année.

PHOTO ARIF ALI, AFP

Des partisans de l'ex-star du cricket Irman Khan, à Lahore, le 23 mars.

TROIS PARTIS EN TÊTE DE PELOTON

Le pays compte pas moins de 247 partis politiques. Seulement trois figurent en tête des sondages.

Le Parti du peuple pakistanais (PPP) d'Asif Ali Zardari. Affaibli par des scandales de corruption et une mauvaise politique économique, il perd du terrain chez les classes populaires.

PHOTO AP

Asif Ali Zardari

Le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) d'Imran Khan. Fondé en 1996, il n'a jamais siégé au Parlement et apparaît comme un nouveau venu. Il est très populaire chez les jeunes.

PHOTO AP

Imran Khan

Le PML-N de Nawaz Sharif. Il a le soutien des hommes d'affaires de la province du Penjab.

PHOTO AFP

Nawaz Sharif