L'ex-ministre des Affaires étrangères du régime cambodgien des Khmers rouges, âgé de 87 ans, qui était jugé pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'Humanité, est décédé jeudi, a annoncé le tribunal.

«Nous pouvons confirmer que Ieng Sary est mort ce matin après avoir été hospitalisé le 4 mars», a déclaré Lars Olsen, porte-parole de la cour. L'ancien ministre était le visage public du régime marxiste totalitaire (1975-1979), responsable de la mort de quelque deux millions de personnes.

Il comparaissait devant le tribunal de Phnom Penh parrainé par les Nations unies, avec l'ancien chef de l'État Khieu Samphan, 81 ans, et le «frère numéro deux» et idéologue du régime, Nuon Chea, 86 ans.

«Les co-procureurs vont établir les causes de sa mort avant de le rendre à sa famille», a ajouté Lars Olsen, jugeant «regrettable» que la justice n'ait pu s'exprimer sur son cas mais soulignant que ce décès n'aurait pas d'impact sur le procès des deux autres accusés.

Ieng Sary disparaît sans avoir jamais expliqué son rôle dans l'appareil d'un régime qui a détruit un quart de la population du Cambodge, vidant les villes, supprimant la monnaie, la religion et l'éducation et plongeant la société dans une profonde terreur.

Un autre responsable politique majeur du régime, Mme Ieng Thirith, est encore en vie. Mais l'ex-ministre des Affaires sociales, veuve de Ieng Sary, a perdu la raison et avait été déclarée l'an passé inapte à être jugée.

Les craintes étaient vives depuis longtemps que certains de ces accusés ne meurent sans répondre de leur rôle dans cette sombre page de l'histoire du pays.

C'est sous cette pression que le tribunal avait décidé de découper le procès en plusieurs segments, pour espérer obtenir plus vite un premier verdict, même incomplet.

Les juges avaient donc commencé par un segment consacré aux déplacements de population, notamment la terrifiante évacuation de Phnom Penh, et aux crimes contre l'humanité.

Mais Ieng Sary, comme son épouse, aura malgré tout échappé à la justice.

«C'est un coup dur pour le tribunal», a constaté Heather Ryan, de l'organisation Open Society Justice Initiative. «Sa mort avant la conclusion du procès laissera les Cambodgiens dans une frustration sur la cour en général et sur les chances d'établir les responsabilités sur les crimes des Khmers rouges».

Le seul procès achevé à ce jour par la juridiction internationale est celui de Kaing Guek Eav, alias Douch, patron de la prison de Tuol Sleng à Phnom Penh, dans laquelle quelque 15 000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées. Il a été condamné à la perpétuité.

Outre les critiques sur sa lenteur, le tribunal fait face depuis quelques semaines à une crise financière qui menace jusqu'à son existence.

Des traducteurs sont en grève depuis dix jours pour protester contre le fait que 270 employés cambodgiens - des magistrats aux chauffeurs - travaillent sans contrat depuis janvier et ne sont plus payés depuis trois mois.

Les audiences ont été suspendues sine die.