Le fondamentalisme hindou fait peu parler de lui dans les médias occidentaux. Pourtant, en Inde, les groupes extrémistes gagnent sans cesse du terrain. Même chez les femmes, comme en témoigne le documentaire d'une cinéaste canadienne.

«Vous commencez aujourd'hui votre transformation en tigre. Vous allez subir un réveil spirituel et physique.» Devant l'enseignante, un groupe d'adolescentes indiennes issues de villages appauvris écarquillent les yeux. Elles viennent d'arriver au camp Durga Vahini. En quelques semaines, on leur enseignera les arts martiaux, le maniement des armes... et la haine.

On leur apprend la haine des musulmans, des chrétiens et du monde occidental, note la cinéaste torontoise Nisha Pahuja, qui a travaillé d'arrache-pied pendant deux ans pour avoir accès avec son équipe au camp d'entraînement des jeunes filles. Le résultat donne froid dans le dos.

Dans le documentaire The World Before Her (Le monde devant elle), on voit des fillettes prépubères en sari lancer des slogans remplis de venin. «Demandez-nous du lait et nous vous donnerons du pouding au riz. Demandez-nous le Cachemire et nous couperons vos gorges», lancent-elles devant la caméra, en faisant référence au conflit qui oppose le Pakistan à l'Inde.

Entre deux mondes

«Une des forces de ce mouvement est que nous avons tendance à oublier leur existence», remarque la cinéaste. Pourtant, les fondamentalistes hindous ont maintes fois été accusés de violence meurtrière, notamment lors des émeutes du Goujarat qui ont fait près de 900 morts, dont 790 musulmans, en 2002. Mais loin de s'intéresser à ces attaques haineuses des fondamentalistes hindous, la réalisatrice s'attarde plutôt aux jeunes femmes qui se joignent à ce mouvement. Un des personnages principaux du documentaire, la jeune Prachi, est peut-être une des meneuses du camp d'entraînement et une étudiante en droit, mais à la maison, elle est la victime d'un père violent qui la bat régulièrement et veut l'obliger à se marier contre son gré.

Dans un des passages les plus prenants du documentaire, Prachi excuse le comportement de son père en affirmant qu'elle lui est reconnaissante de l'avoir laissée vivre, elle, une fille dans un pays où l'infanticide des foetus féminins est épidémique. «En Inde, beaucoup d'hommes pensent que les femmes sont leur propriété», note la réalisatrice.

Le film de Nisha Pahuja, cependant, plonge dans deux Indes bien différentes l'une de l'autre. The World Before Her présente aussi un camp d'entraînement précédant le concours Miss India. Loin de s'adonner aux arts martiaux, les 20 jeunes finalistes apprennent à marcher en talons hauts, en bikini et à faire la promotion de maints produits commerciaux. Le résultat est un dur affrontement entre l'Inde traditionnelle et l'Inde moderne, qui ont néanmoins en commun d'utiliser le corps de la femme pour promouvoir leur vision du monde, conclut Nisha Pahuja.

The World Before Her peut être acheté sur YouTube.