Les milliers de manifestants anticorruption qui occupaient la capitale pakistanaise Islamabad ont mis fin à leur mouvement jeudi soir après un accord entre leur chef, le religieux Tahir ul-Qadri, et le gouvernement sur des réformes mineures à l'approche des élections.    

Les quelque 25 000 partisans de M. Qadri se sont dispersés sans incident à la grande satisfaction du gouvernement, déjà soulagé dans la journée par le répit accordé par la Cour suprême au premier ministre Raja Pervez Ashraf, accusé de corruption et qu'elle avait dans un premier temps menacé d'arrestation.

Après plusieurs heures de négociations, Tahir ul-Qadri est parvenu tard dans la soirée à un accord avec gouvernement, sonnant la fin de son mouvement, entamé le weekend dernier par une «longue marche» de Lahore (est) à Islamabad.

«Je vous félicite. Aujourd'hui est un jour de victoire pour le peuple du Pakistan. Vous devez rentrer chez vous de façon pacifique comme vous êtes venus», a ensuite déclaré le chef religieux à ses milliers de fidèles réunis dans le centre d'Islamabad.

M. Qadri, chef de l'organisation musulmane modérée Minhaj ul-Quran (La voie du Coran), était rentré en décembre de son exil volontaire au Canada, et avait aussitôt regroupé ses partisans pour dénoncer la «corruption» du gouvernement et exiger des réformes à l'approche d'élections prévues au printemps.

Son convoi, formé de centaines d'autobus bondés, était parti dimanche de Lahore, siège de son organisation à 400 kilomètres au sud d'Islamabad, pour gagner lundi soir la capitale, peu habituée aux grands rassemblements politiques.

Après des heures de discussions jeudi, M. Qadri et le gouvernement sont parvenus à un accord qui permet à chaque partie de sauver la face sans que le second n'ait fait de réelles concessions.

L'accord stipule par exemple que l'assemblée nationale devra être dissoute «avant» le 16 mars prochain pour des élections au printemps, ce qui était déjà prévu par le calendrier électoral.

La commission électorale aura alors un mois pour s'assurer de «l'éligibilité» des candidats en vue de ces élections législatives clés pour la consolidation de la démocratie, car l'actuel gouvernement achèvera alors un mandat complet de cinq ans, une première dans ce pays musulman de 180 millions d'habitants abonné aux coups d'État.

Selon la Constitution pakistanaise, un gouvernement de transition doit gérer les affaires du pays entre la fin de la législature et l'entrée en fonction de la nouvelle administration.

M. Qadri, accusé par ses détracteurs de jouer le jeu de l'armée en contribuant à discréditer les grands partis traditionnels, demandait à ce que les militaires et la Cour suprême soient impliqués dans la nomination de ce gouvernement de transition, qui pourrait durer si les élections étaient reportées, une éventualité envisagée par certains observateurs.

En vertu de l'accord conclu jeudi soir, M. Qadri pourra «proposer» au gouvernement deux personnes pour diriger ce gouvernement provisoire censé, selon lui, purger le plus possible le pays de la corruption.

La Cour suprême contre le premier ministre

Autre soulagement pour le gouvernement, la Cour suprême a donné jeudi du répit au premier ministre Raja Pervez Ashraf.

Mardi, elle avait jeté un pavé dans la mare en ordonnant son arrestation avec 15 autres personnes accusées comme lui d'avoir touché des pots-de-vin dans l'octroi de contrats illégaux d'approvisionnement en électricité, plongeant dans une étrange confusion politique un pouvoir déjà secoué par le sit-in de M. Qadri.

Lors d'une audience devant la Cour jeudi, le chef de l'Office anticorruption (NAB), un organisme gouvernemental, Fasih Bukhari, a soutenu que le dossier contre les accusés n'était pas encore assez étayé pour justifier leur arrestation.

Le chef de la Cour suprême, Iftikhar Chaudhry, habitué aux bras de fer avec le gouvernement, a demandé à ces responsables de présenter les documents sur le champ, avant de finalement reporter l'audience au 23 janvier.

Au final, dans la rue comme à la Cour suprême, le soufflé politique qui est monté dans la semaine et a semblé menacer le fragile gouvernement est retombé.