Presque inconnu il y a un mois, un imam pakistanais qui a passé sept ans au Canada fait aujourd'hui trembler la classe politique pakistanaise. Avec environ 30 000 de ses partisans, il campe depuis hier devant le parlement pakistanais et affirme qu'il y restera jusqu'à ce que l'actuel gouvernement démissionne. Portrait en trois temps d'un religieux aux multiples facettes.

Vedette soufie internationale

Ancien professeur de droit à l'Université du Punjab à Lahore, au Pakistan, l'imam, aujourd'hui âgé de 61 ans, est à la tête d'un large réseau soufi, branche mystique de l'islam. Par le passé, il s'est fait connaître pour ses positions contre le terrorisme et pour l'harmonie interreligieuse. Selon le site web de son organisation, Minjah-ul-Quran, il aurait des fidèles dans 90 pays, dont le Canada. Jusqu'au mois de décembre, il gérait son réseau à partir de Toronto, où il vivait depuis 2005 avant de faire un retour remarqué au Pakistan en décembre.

«Révolutionnaire» pakistanais

De retour au Pakistan, l'imam Qadri a lancé une large campagne télévisuelle. Il demande la fin de la corruption au sein du gouvernement pakistanais et exige la mise en place de réformes électorales. Un discours qu'il a prononcé à Lahore le 23 décembre a créé la surprise en attirant 100 000 personnes. Cette semaine, l'imam a promis de remettre ça en organisant une marche de 4 millions de personnes. Selon les médias présents, 30 000 personnes participent depuis hier à un sit-in devant le parlement. Mais M. Qadri, qui ne semblait pas se décourager, a estimé hier que son mouvement prendra l'ampleur du Printemps arabe.

Torpille antidémocratique des militaires?

Plusieurs personnes mettent en doute les véritables intentions de Tahir ul-Qadri et croient que ce dernier travaille avec l'armée pakistanaise pour torpiller la fragile démocratie civile du pays à tout juste quelques mois d'élections, qui doivent avoir lieu en avril ou en mai. Le passé pro-militaire de l'imam est déjà connu. En 1999, il a soutenu le coup militaire mené par Pervez Musharraf. Trois ans plus tard, il a été député dans un Parlement à la solde du président putschiste. Depuis son arrivée, il plaide pour que l'armée et l'aile judiciaire choisissent un gouvernement intérimaire afin de mettre en place des réformes. L'imam nie tout lien avec l'armée, mais il reste muet lorsque les journalistes lui demandent où il a obtenu les 4 millions qu'a coûté sa campagne télévisuelle.

-Avec The New York Times, Reuters, Toronto Star et The Telegraph