La Cour suprême du Pakistan a lancé mardi un mandat d'arrêt sans précédent contre le premier ministre, fragilisant encore plus un gouvernement impopulaire déjà aux prises avec un sit-in de milliers de personnes mobilisées contre lui au coeur d'Islamabad.

En outre, l'un des principaux opposants du pouvoir, l'ancienne vedette du cricket Imran Khan, a appelé à la démission immédiate du président Asif Ali Zardari et à la convocation dans la foulée des élections prévues au printemps.

La Cour suprême a ordonné dans l'après-midi l'arrestation du chef du gouvernement Raja Pervez Ashraf, accusé avec une quinzaine d'autres personnes de corruption dans une affaire de contrats de fournitures d'électricité illégaux alors qu'il était ministre de l'Énergie.

Proche du président Zardari, M. Ashraf avait été nommé premier ministre en juin dernier en remplacement de Yousuf Raza Gilani, contraint à la démission par la Cour, la plus haute juridiction du pays, pour avoir refusé de rouvrir une ancienne enquête pour corruption visant le chef de l'État.

Coïncidence ou non, le mandat d'arrêt est annoncé alors que le gouvernement se trouve déjà sous la pression, au coeur d'Islamabad, la capitale, de plusieurs milliers de manifestants menés par Tahir ul-Qadri, un chef religieux influent qui dénonce l'«incompétence» et la «corruption» de l'équipe au pouvoir.

Ce rassemblement est le plus important organisé par l'opposition dans la capitale depuis l'arrivée au pouvoir en 2008 du président Zardari à la fin du régime militaire de Pervez Musharraf, poussé vers la sortie après, notamment, une série de manifestations de la société civile avec l'appui du la Cour suprême.

Arrivé dans la nuit au milieu de ses partisans, M. Qadri avait lancé un ultimatum au gouvernement pour qu'il dissolve rapidement le Parlement fédéral et les assemblées provinciales, première étape d'un processus qui permettrait, selon lui, des élections libres et la démocratisation du pays, miné par les inégalités.

M. Qadri a demandé à ses partisans, estimés entre 25 000 et 50 000, selon les autorités, de rester sur place au moins jusqu'à mercredi.

«Je vous reparlerai demain avec bon espoir que nous n'aurons plus besoin de rester davantage», a-t-il ajouté, à l'issue d'un discours cinglant où il a fustigé les élites qui confisquent, selon lui, le pouvoir au détriment des masses démunies.

Il a jugé le pouvoir et les partis politiques traditionnels en général responsables de tous les maux qui frappent le Pakistan depuis cinq ans, du terrorisme à la pauvreté en passant par la corruption et la crise énergétique.

M. Qadri a en revanche rendu un hommage appuyé à l'armée, régulièrement accusée de jouer un jeu trouble avec certains groupes extrémistes accusés d'ensanglanter le pays, ainsi qu'au pouvoir judiciaire.

Ses détracteurs l'accusent d'être manipulé par l'armée, l'institution la plus puissante du pays, ou des pays étrangers afin de faire dérailler le processus électoral et de discréditer les partis traditionnels au moment où le gouvernement civil de M. Zardari achève son mandat de cinq ans, une première dans un pays abonné aux coups d'État.

En fin de journée, les manifestants réunis à Islamabad se félicitaient du mandat d'arrêt délivré par la Cour suprême contre le premier ministre.

Tahir ul-Qadri, considéré comme un modéré et a la tête d'un important réseau religieux caritatif et éducatif dans le pays, avec des relais à l'étranger, espère un rassemblement semblable à celui de la place Tahrir au Caire qui avait abouti à la chute du président égyptien Hosni Moubarak en 2011.

Aux termes de la Constitution pakistanaise, un gouvernement de transition doit être nommé après la fin de la législature et la dissolution du Parlement, prévues mi-mars, pour gérer les affaires courantes jusqu'à l'entrée en fonction du gouvernement issu des élections.

Or M. Qadri plaide pour que cette administration provisoire soit formée en consultation avec l'armée et la justice, et non par les seuls grands partis traditionnels. Elle pourra alors, selon lui, réformer pour faire en sorte que des «gens honnêtes» soient élus.