Des milliers d'ouvriers du textile au Bangladesh ont manifesté lundi pour demander que cessent leurs conditions de travail «flirtant avec la mort» après le pire incendie qu'ait connu la profession, qui a fait 110 morts.

Les rescapés de cet incendie, survenu samedi soir dans l'usine Tazreen Fashion à la périphérie de Dacca, ont rejoint des milliers de collègues pour bloquer une autoroute et défiler jusqu'à la zone industrielle d'Ashulia, où sont implantées plus de 500 usines de confection pour des marques occidentales.

«Les ouvriers de plusieurs usines ont quitté le travail et rejoint la manifestation. Ils veulent que les propriétaires de Tazreen reçoivent une punition exemplaire», a déclaré le chef de la police de Dacca, Habibur Rahman.

Selon la police, de nombreuses usines travaillant notamment pour Walmart, H&M ou encore C&A, sont restées fermées lundi pour éviter une éruption de violence.

«La plupart des ouvriers sont choqués. Ils veulent voir la sécurité s'améliorer dans leurs usines où on flirt avec la mort», a déclaré à l'AFP un représentant syndical, Babul Akter.

Les manifestants ont scandé des slogans demandant notamment que les patrons de Tazreen soient traduits en justice.

Les pompiers ont circonscrit lundi un nouvel incendie dans une usine de confection. Le feu, qui n'a pas fait de victime, s'est déclaré à Dacca dans un bâtiment de douze étages abritant quatre entreprises de confection.

«La plupart des ouvriers ont défoncé des grilles au dernier étage et ont réussi à se mettre en lieu sûr dans un bâtiment voisin», a déclaré à l'AFP le commissaire adjoint de la police du district de Dacca, Nisharul Arif.

Samedi soir, plus de 1000 employés, qui travaillaient pour des firmes occidentales telles que le groupe néerlandais C&A, le français Carrefour et le suédois Ikea, ont été piégés par les flammes.

Les 110 victimes, dont de nombreuses femmes, sont mortes par asphyxie et intoxication ou en sautant dans le vide. Une centaine de personnes ont en outre été blessées.

La police a ouvert une enquête pour homicide involontaire. Les recherches, couplées à deux autres enquêtes gouvernementales, cherchent à déterminer les responsabilités des propriétaires des usines.

«Nous n'épargnerons personne», a promis un responsable de la police locale, Badrul Alam.

Selon l'inspecteur en chef des usines au Bangladesh, Habibul Islam, l'usine Tazreen de neuf étages, construite en 2009, avait obtenu un permis de construire pour trois étages uniquement.

La première ministre, Mme Sheikh Hasina, a annoncé que mardi serait jour de deuil national tandis que l'inhumation collective de 58 employés prévue initialement lundi a été reportée à mardi après une requête de leurs proches réclamant plus de temps pour leur identification, a indiqué le commissaire de police du district de Dacca, Yusuf Harun.

«Nous conservons des échantillons d'ADN des ouvriers pour pouvoir identifier leurs proches en vue d'indemnisations», a-t-il ajouté.

Selon le site Internet de Tuba Group, la maison-mère de Tazreen Fashion, l'usine employait 1630 personnes et fabriquait des polos, des T-shirts et des vestes. Le bâtiment comptait 60 détecteurs de fumée, plus de 200 extincteurs et 18 tuyaux pour la lutte contre les incendies, indique le site.

De nombreuses usines textiles tournées vers l'exportation sont dotées d'installations électriques défectueuses et de mesures de sécurité très laxistes.

Selon la Clean Clothes Campaign, une association de défense des travailleurs du textile dont le siège se trouve à Amsterdam, au moins 500 employés du secteur sont morts dans des incendies au Bangladesh depuis 2006.

Les firmes étrangères «savent depuis des années que nombre des usines avec lesquelles elles choisissent de travailler sont des pièges mortels», a dénoncé Ineke Zeldenrust, porte-parole de l'association. «Le fait qu'elles n'agissent pas s'apparente à de la négligence criminelle», a-t-elle estimé.

Le Bangladesh est un des principaux centres de production textile en Asie, en raison de la modicité des salaires ouvriers et d'une main-d'oeuvre abondante.

Le pays est devenu le deuxième exportateur au monde de vêtements, pour un total de 19 milliards de dollars en 2011.