Comme ses cinq prédécesseurs, le premier ministre Japonais Yoshihiko Noda, acculé à des législatives anticipées, sait qu'il est déjà dans le «couloir de la mort politique», une condamnation programmée par le système et amplifiée par les médias. Seule la date reste une inconnue.

«À quand la dissolution?» «Le premier ministre est-il un menteur?» «Il ne va plus pouvoir reporter»: à l'instar des meneurs de l'opposition, les journaux nippons s'excitent depuis des semaines poussant le chef du gouvernement à provoquer des élections générales avant l'heure, et à partir.

Cet acharnement politique et médiatique n'est jamais que le sixième en six ans.

«Le premier ministre a décidé, il va dissoudre avant la fin de l'année, peut-être même ce vendredi 16 novembre», écrivait ainsi mardi le quotidien généraliste Mainichi Shimbun.

Et tous les autres d'ajouter citant «un proche de Noda», «un membre du parti», une «source bien informée» pour étayer leurs informations.

«Contrairement aux journaux étrangers, les quotidiens nippons n'ont pas de couleur affirmée, si bien qu'ils vont parfois tous dans la même direction et les clans politiques en jouent», regrette Yasuhiro Matsuzaki, journaliste du magazine économique Toyo Keizai.

La cote du gouvernement est au plus bas depuis l'arrivée de M. Noda au pouvoir, selon la chaîne publique NHK qui, tous les mois, enfonce le clou en posant la même question aux téléspectateurs: quand doit-il, selon eux, dissoudre la chambre basse du Parlement? Pour 45%: «avant fin 2012».

Légalement, M. Noda, qui vient d'être réélu président du Parti démocrate du Japon (PDJ) et de prolonger ainsi son mandat de premier ministre, n'est pas du tout contraint de dissoudre la Chambre basse, mais dans la réalité il n'a plus le choix.

Sur le papier il est le maître, mais la machinerie politique japonaise ne lui donne pas, à lui ou un autre d'ailleurs, le droit de décider seul: elle le broie.

«Que les hommes politiques ne puissent pas prendre de décisions immédiates est évident, mais les médias, au lieu de faire preuve de pédagogie, les harcèlent trop», déplore le député Nobuyuki Fukushima.

Sous la pression des conservateurs qui contrôlent le Sénat et piétinent d'impatience de reprendre le pouvoir après une cure inédite de trois ans d'opposition, M. Noda a eu le malheur de prononcer lui-même en août la phrase qui allait déclencher «l'ouverture de la chasse»: «je dissoudrai prochainement l'Assemblée».

«M. Noda est un homme de parole, il tiendra sa promesse», improvisa ensuite devant des journalistes le ministre de la Stratégie nationale Seiji Maehara, tirant une balle de plus dans le pied de son chef.

Volens nolens, pour éviter d'être sali, traité de menteur, M. Noda va jeter l'éponge. Plus rien en effet, hormis une catastrophe naturelle interdisant une vacance du pouvoir, ne peut le sauver. Au mieux peut-il tenter de grappiller quelques jours ou semaines pour trouver le moment le plus propice et «sauver la face».

Mais comme le souligne le quotidien économique Nikkei «cela fait trois mois que le premier ministre a promis de dissoudre l'Assemblée, il ne peut plus différer davantage».

Et les boursicoteurs de se frotter les mains en achetant à tour de bras des actions de la société de sondages «Moshi moshi Hotline». «La campagne va sans doute être brève et intense, il ya des profits à faire», se réjouit un courtier.

Comme un mauvais feuilleton, cette curée se répète tous les ans depuis le départ du flamboyant Premier ministre de droite Junichiro Koizumi fin 2006.

Aucun de ses successeurs (Shinzo Abe, Yasuo Fukuda, Taro Aso du Parti libéral démocrate, puis Yukio Hatoyama et Naoto Kan du PDJ) n'a tenu plus d'un an. M. Aso a été poussé à la dissolution, les quatre autres à la démission. Avec 14 petits mois, M. Noda détient déjà le record de longévité depuis 2006!

Ce qu'a fait l'un, l'autre le défait, et tant pis pour la diplomatie.

«Cette absence de continuité dans les décisions est très dommageable, mais le théâtre politique et médiatique doit continuer», souligne M. Matsuzaki, regrettant une valse qui affaiblit terriblement la voix du Japon sur la scène internationale. Une aubaine que n'ont pas laissé passer ses voisins chinois, coréens et russes.