Des chirurgiens ont retiré une balle de l'épaule de la militante anti-taliban pakistanaise de 14 ans, toujours dans un état critique après avoir été la cible d'un attentat par les insurgés islamistes qui a horrifié le pays tout entier.

Malala Yousufzai a été attaquée mardi en plein jour par des combattants du Mouvement des talibans du Pakistan (TTP), allié à Al-Qaïda, à Mingora, la principale ville de la vallée de Swat, reprise par l'armée aux rebelles islamistes en 2009.

Des médecins locaux avaient indiqué dans un premier temps qu'elle était « hors de danger », car la balle qui avait touché son crâne n'avait pas atteint le cerveau. Mais les médecins de l'hôpital de Peshawar, grande ville du nord-ouest, où elle a été transportée ont par la suite jugé son état « critique ».

« Les médecins ont retiré mardi soir une balle de son épaule », a déclaré mercredi à l'AFP un haut responsable militaire.

Une équipe de médecins pakistanais s'est rendue mercredi au chevet de la jeune militante pour déterminer si elle avait besoin de traitements médicaux à l'étranger. « Elle est dans un état critique, mais les médecins estiment qu'elle ne peut pas être transportée dans un pays étranger à l'heure actuelle », a ajouté ce responsable.

Un oncle de l'adolescente, Saeed Ramzan, a précisé qu'elle était toujours « inconsciente » mercredi après l'opération, qui a duré plus de trois heures. « Dans deux jours, les médecins décideront si elle sera transférée ou non vers un pays étranger pour de nouveaux traitements », a-t-il dit à l'AFP.

Un Boeing 737 de la compagnie pakistanaise PIA était sur le tarmac de l'aéroport de Peshawar, prêt à la transporter au besoin dans un pays étranger, la destination la plus probable étant Dubaï, a indiqué à l'AFP le patron du groupe, Junaid Yusuf.

Le gouvernement provincial a annoncé mercredi qu'il offrait une récompense de 10 millions de roupies (104 000$) pour toute information pouvant mener à la capture des assaillants de Malala Yousufzai.

Elle s'était fait connaître dans le monde entier en 2009, à l'âge de 11 ans seulement, en dénonçant sur un blogue en ourdou (langue officielle au Pakistan) de la BBC les violences commises par les talibans, qui incendiaient les écoles de filles et assassinaient leurs opposants dans la vallée de Swat, comme dans les régions voisines depuis 2007.

Elle avait reçu l'an dernier le premier prix national pour la paix créé par le gouvernement pakistanais et avait fait partie des personnes sélectionnées pour le prix international des enfants pour la paix de la fondation néerlandaise Kids Rights.

Les talibans avaient revendiqué mardi l'attentat contre l'adolescente, mais ont ressenti le besoin de se justifier mercredi pour cet acte condamné à l'unanimité par les États-Unis, la France, les organisations de défense des droits de l'homme, le gouvernement et la presse au pakistanais.

« Malala a été prise pour cible pour son rôle de pionnière dans la défense de la laïcité et de la soi-disant modération de l'esprit des Lumières », a écrit dans un courriel transmis à l'AFP le porte-parole du Mouvement des talibans pakistanais (TTP) Ihsanullah Ihsan.

« Le TTP ne croit pas aux attaques spécifiques envers les femmes, mais quiconque dirige une campagne contre l'islam et la charia (loi islamique) doit être tué », a-t-il ajouté, précisant que le jeune âge de Malala Yousufzai n'était pas un motif de clémence.

De petites manifestations pour soutenir Malala ont eu lieu mercredi un peu partout au Pakistan, et un rassemblement était prévu samedi à Mingora, où la police quadrillait le quartier où vit la famille de l'adolescente.

Les députés pakistanais ont aussi suspendu leurs travaux mercredi pour condamner cette attaque et prié pour le prompt rétablissement de l'adolescente, qui « est un modèle pour l'ensemble du pays », a souligné la ministre des Affaires étrangères, Hina Rabbani Khar.

Le chef de l'armée pakistanaise, le général Ashfaq Kayani, s'est rendu au chevet de l'adolescente et a appelé à renforcer la lutte contre le terrorisme.

«Ces gens n'ont même pas de respect pour la parole sacrée du prophète (Mahomet), qui a dit : "Celui qui n'est pas bon envers les enfants n'est pas l'un des nôtres", a déclaré M. Kayani à propos des talibans pakistanais. Ces actes inhumains montrent clairement le type de mentalité extrémiste auquel le pays doit faire face.»

Le Pakistan, pays musulman de plus de 180 millions d'habitants, est en proie à une montée de l'intégrisme religieux et se trouve sur la ligne de front de la guerre américaine contre le terrorisme.

Les zones tribales du nord-ouest du pays, adossées à l'Afghanistan, sont considérées comme un refuge pour les talibans et les mouvements liés à Al-Qaïda. Mais des responsables américains reprochent à l'armée pakistanaise de ne pas en faire assez pour y déloger ces mouvements.

« Il est temps de nous unir davantage et de nous lever pour combattre ceux qui propagent cet état d'esprit barbare et leurs sympathisants », a ajouté le chef de l'armée, alors que la Commission des droits de l'homme du Pakistan appelait au « réveil » de ceux qui pensent pouvoir « apaiser les extrémistes » et « plaident en faveur de la paix avec les talibans ».

« Malala Yousufzai est dans un état critique comme le Pakistan. Nous sommes affligés par le cancer de l'extrémisme et si rien n'est fait pour se débarrasser de la tumeur, nous allons glisser encore davantage vers la bestialité», a résumé avec regret le quotidien anglophone pakistanais The News.