La Chine a admis mardi au service actif son premier porte-avions, qui aura la mission de «défendre la souveraineté nationale» dans un contexte de fortes tensions maritimes avec le Japon.

L'intégration du bâtiment de 300 m aux forces chinoises a été officialisée au cours d'une cérémonie dans le port de Dalian (nord-est), en présence du président Hu Jintao et du premier ministre Wen Jiabao, qui ont parcouru le pont d'envol du navire.

Ce porte-avions va permettre à la Chine de «moderniser les capacités de combat de sa marine nationale», avait affirmé plus tôt le ministère chinois de la Défense. Le bateau de guerre a été baptisé Liaoning, nom d'une province du nord-est du pays, où se trouve Dalian.

Dans l'Armée populaire de libération (APL) - la plus grande du monde -, ce navire amiral incarne les ambitions navales de Pékin. Il va «jouer un rôle important pour défendre les intérêts souverains de l'État», a précisé le ministède de la Défense.

Le navire a été construit à partir de la coque du Varyag, un porte-avions de 67 000 tonnes de la classe Amiral Kouznetsov destiné à la marine soviétique, mais dont la construction avait été interrompue par la chute de l'URSS en 1991. La coque a été rachetée en 1998 à l'Ukraine, puis rénovée pendant des années dans le chantier naval de Dalian.

Le futur Liaoning a effectué sa première sortie en mer en août 2011, avant de réaliser une dizaine de missions d'essais en mer.

Sa mise en service intervient six jours avant la fête nationale chinoise, une période de l'année traditionnellement l'occasion d'événements patriotiques célébrant la puissance retrouvée de la Chine communiste.

Mais le lancement officiel intervient surtout alors que Pékin est en proie à une colère qui ne retombe pas, alimentée par la récente décision de Tokyo de nationaliser le petit archipel des Diaoyu, cinq îlots en mer de Chine orientale revendiqués par les deux géants asiatiques.

Tandis que les tensions sont quotidiennes autour de ces îles inhabitées que le Japon appelle Senkaku, le vice-ministre des Affaires étrangères chinois, Zhang Zhijun, a sermonné mardi son homologue nippon Chikao Kawai, exigeant que Tokyo « abandonne ses illusions, reconnaisse et corrige ses actions fautives ».

La crise s'est encore aggravée mardi avec l'arrivée dans les eaux concernées d'une flottille de garde-côtes et de dizaines de bateaux de pêche taïwanais.

Dans un commentaire ce même jour, l'agence officielle Chine nouvelle a justifié l'intégration du porte-avions aux forces chinoises, dont le développement rapide suscite des inquiétudes croissantes.

« De la guerre de l'opium en 1840 à la fondation de la République populaire de Chine en 1949, le pays a enduré plus de 470 agressions et invasions venues des mers », a écrit Chine nouvelle.

« Dans les eaux mêmes où est amarré aujourd'hui le porte-avions Liaoning, la flotte de Beiyang (NDLR : de la mer du Nord) de la dynastie des Qing (1644-1911) a été défaite en 1895 par les envahisseurs japonais et tous ses vaisseaux ont été coulés ou saisis », a rappelé l'agence d'État.

Interviewé par le Quotidien du Peuple, le général Luo Yuan, à la réputation de faucon, n'a quant à lui pas écarté l'hypothèse que le Liaoning soit un jour engagé dans une phase de combat, même si son rôle mis en avant consiste à des missions de formation et de recherche.

Selon des experts indépendants, il faudra toutefois plusieurs années à Pékin pour se doter d'un groupe aéronaval complètement opérationnel. Ils estiment par ailleurs que la Chine a déjà engagé, sans le dire, un programme de construction d'un, voire deux autres porte-avions.

La capacité du Liaoning à embarquer des avions de façon opérationnelle, notamment les Sukhoï SU-30 de l'aéronavale chinoise, n'est pas encore clairement établie.

Pékin, jaloux de la suprématie navale des États-Unis, vit en effet mal les manoeuvres organisées par Washington en mer de Chine ou en mer Jaune, des eaux qu'il considère comme sa « Mare nostrum ». L'humiliation est exacerbée quand l'US Navy engage l'un de ses porte-avions dans ces exercices.

Reste que ce premier porte-avions chinois, arme de projection de puissance par excellence, risque d'écorner l'image que la Chine veut donner d'elle-même : celle d'un pays qui s'arme uniquement pour se défendre, sans prétendre à l'hégémonie.