Trois blogueurs vietnamiens, dont un avait été soutenu publiquement par le président américain Barack Obama, ont été condamnés lundi à Ho Chi Minh-Ville à des peines de quatre à douze ans de prison pour propagande contre l'État.

Le plus célèbre des trois, Nguyen Van Hai, déjà condamné en septembre 2008 à deux ans et demi de détention pour fraude fiscale, a écopé de douze ans d'emprisonnement.

Les États-Unis se sont dits «profondément préoccupés par la condamnation de trois blogueurs vietnamiens qui n'ont, semble-t-il, rien fait d'autre qu'exercer leur droit à la liberté d'expression», a déclaré Victoria Nuland, porte-parole du département d'Etat, dans un communiqué qui appelle le gouvernement vietnamien à libérer ces trois blogueurs.

La chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, a également dénoncé lundi la condamnation des trois blogueurs, soulignant qu'exprimer librement son opinion est «un droit fondamental».

Phong Tan, ex-policière de 43 ans dont la mère s'était immolée par le feu en juillet, a été condamnée à dix ans de prison. Elle s'est effondrée en larmes à l'énoncé du verdict et hurlé «objection!» lorsque les forces de sécurité l'ont emmenée.

Quant à Phan Thanh Hai, le seul à avoir plaidé coupable lors de ce procès qui n'a duré que quelques heures lundi, il a obtenu la peine la plus clémente, quatre ans de prison.

«Je n'ai jamais été contre l'État, j'étais juste frustré par l'injustice, la corruption, la dictature, qui ne représentent pas l'Etat mais seulement quelques individus», s'est défendu Nguyen Van Hai, alias «Dieu Cay».

«Les citoyens ont le droit à la liberté d'expression», a-t-il encore déclaré avant que le son de la retransmission, mise en place pour les journalistes et les diplomates dans une salle voisine, ne soit coupé.

Le juge Nguyen Phi Long a estimé que les accusés avaient «abusé de leur popularité sur internet pour poster des articles qui sapaient, noircissaient les dirigeants, critiquaient le parti (...), détruisant la confiance du peuple en l'État».

«Leur crime est particulièrement grave, avec une claire intention contre l'État. Ils doivent être sérieusement punis».

Les accusations de propagande contre l'État et de tentative de renversement du régime sont régulièrement utilisées contre les dissidents dans un pays où le Parti communiste interdit tout débat.

Le verdict «montre la profondeur de l'intolérance du gouvernement du Vietnam vis-à-vis des opinions contraires à la sienne», a dénoncé Phil Robertson, de Human Rights Watch.

Le trio, qui risquait vingt ans de prison, était accusé d'avoir publié des articles sur le site interdit «Club des Journalistes Libres» et des écrits sur leurs propres blogs dénonçant la corruption, l'injustice et la politique étrangère de Hanoï.

Des centaines de policiers encerclaient le bâtiment du tribunal de l'ex-Saïgon, selon une journaliste de l'AFP. Aucun partisan du trio n'était visible, mais le célèbre blog «Dan Lam Bao» a affirmé que plusieurs d'entre eux avaient été empêchés de s'approcher de la zone par les forces de sécurité.

Ce blog, que le Premier ministre Nguyen Tan Dung a annoncé la semaine dernière vouloir punir pour ses propos «calomnieux», a publié des photos de militants portant des pancartes en faveur de la libération des accusés.

Il a aussi précisé qu'au moins sept personnes avaient été arrêtées. La police n'a pas fait de commentaire.

Le procès avait été reporté à plusieurs reprises, notamment en août après la mort de la mère de Tan, qui s'était immolée par le feu devant un bâtiment officiel pour protester contre la détention de sa fille.

L'ambassade américaine a réclamé la libération des trois militants, soulignant qu'Obama lui-même avait suivi le dossier de «Dieu Cay».

«Comme l'a dit le président Obama (...), nous appelons tous les gouvernements à prendre les mesures nécessaires pour créer des sociétés dans lesquelles les journalistes indépendants peuvent travailler librement et sans peur», a-t-elle indiqué dans un communiqué après le verdict.

Le régime communiste est classé au 172e rang sur 179 en terme de liberté de la presse par Reporters sans frontière, qui le considère comme un «ennemi d'internet».