La censure qui pesait sur les médias depuis un demi-siècle en Birmanie, faisant de ce pays l'un des pires de la planète en termes de liberté de la presse, a été abolie lundi, une étape majeure pour un secteur qui profite graduellement des réformes politiques en cours depuis 18 mois.

Le Département de l'enregistrement et de la surveillance de la presse (PSRD) du ministère de l'Information «a autorisé les journaux dans la catégorie politique et religion à publier sans envoyer au préalable leurs brouillons», a annoncé le ministère sur son site internet.

Les dossiers moins sensibles avaient déjà fait l'objet d'un assouplissement progressif depuis la dissolution de la junte en mars 2011 et l'arrivée au pouvoir du régime réformateur du président Thein Sein.

«Le système de la censure a débuté le 6 août 1964. Il s'est achevé 48 ans et deux semaines plus tard», a déclaré à l'AFP Tint Swe, l'ancien officier qui, à la tête du PSRD, a fait trembler les rédacteurs en chef de Birmanie pendant sept ans.

Ce pays était jusqu'à présent classé 169e sur 179 en matière de liberté de la presse par l'organisation Reporters sans frontières.

Mais plusieurs journalistes détenus ont été libérés ces derniers mois, comme d'autres prisonniers politiques, et les sites internet auparavant honnis comme ceux de la BBC et des médias birmans en exil sont devenus accessibles.

«Nous avons été en proie à l'inquiétude pendant de si longues années et aujourd'hui c'est fini», s'est réjoui Nyein Nyein Naing, directeur exécutif de l'hebdomadaire 7 Day News. Les médias restent pour autant sujets à des représailles à posteriori en cas d'informations qui «portent atteinte à la stabilité de l'État», a-t-il relevé.

De fait, radios et télévisions se soumettent notoirement à une auto-censure vigilante, à laquelle la presse n'échappera pas complètement. «Nous ne jouirons d'une totale liberté de la presse que lorsque la loi sur la presse, acceptée par tous les journalistes, sortira», a insisté le journaliste.

«Un grand jour pour tous les journalistes»

Le parlement travaille actuellement sur ce projet de loi. Le texte n'a pas été publié, mais des journaux ont été consultés sur son contenu, qui couvrirait notamment les droits et devoirs des journalistes et un code de déontologie.

Depuis son arrivée au pouvoir, l'ancien général Thein Sein a en particulier libéré des centaines de prisonniers politiques et demandé à l'opposante Aung San Suu Kyi, en résidence surveillée pendant 15 ans, de réintégrer l'échiquier politique légal.

La lauréate du prix Nobel de la paix est ainsi devenue députée en avril, à la tête du premier parti de l'opposition, et a été reçue plusieurs fois par le chef de l'État. Ses activités sont désormais couvertes sans restrictions, après des années où sa seule évocation pouvait envoyer un journaliste en prison.

Dans le même temps, les journalistes repoussent peu à peu les limites de leurs prérogatives.

En mars, l'hebdomadaire The Voice, citant des parlementaires anonymes, avait écrit que le Bureau de l'auditeur général, équivalent de la Cour des comptes, avait découvert des fraudes et des détournements de fonds aux ministères des Mines, de l'Information, de l'Agriculture et de l'Industrie.

Une plainte d'un ministère est en cours. Mais un tribunal a déjà donné raison au journal sur le fait qu'il n'était pas tenu de divulguer le nom de l'auteur de l'enquête.

«C'est un grand jour pour tous les journalistes en Birmanie qui ont travaillé de si longues années sous d'odieuses restrictions», a estimé l'éditeur d'un hebdomadaire de Rangoun. «C'est un autre exemple encourageant des progrès que connaît le pays sous le gouvernement Thein Sein».