La justice chinoise a rejeté vendredi la plainte contre un énorme redressement fiscal de l'artiste contestataire Ai Weiwei, qui a immédiatement dénoncé une décision politique et annoncé qu'il allait interjeter appel.    

« Le bureau des impôts (...) n'a accepté aucun de nos arguments », a déclaré à la presse son avocat Pu Zhiqiang, au sujet de la plainte de Ai contre un redressement de 15 millions de yuans (environ 2,1 millions de dollars) imposé à Fake Cultural Development Ltd, une entreprise créée par l'artiste, mais enregistrée au nom de son épouse.

La plainte arguait que le bureau des impôts avait agi illégalement en mettant Fake à l'amende. Son rejet n'a pas surpris l'avocat, qui va interjeter appel dans les 15 jours légaux.

« Ce n'est pas uniquement pour cette société (Fake) que nous allons faire appel », a déclaré Me Pu. « C'est aussi pour tous les contribuables et les autres qui pourraient être punis », a ajouté l'avocat.

Selon Ai, ce redressement fiscal n'est qu'une mesure politique destinée à le « briser » et les autorités lui refusent de surcroît des moyens équitables de se défendre.

« Le système judiciaire n'est pas indépendant, c'est pourquoi en fin de compte, nous allons certainement perdre », a déclaré Ai à des journalistes à l'extérieur de son atelier de Pékin.

« Toute leur accusation est sans fondement », selon l'artiste qui avait été détenu au secret pendant 81 jours l'an dernier, au moment où le gouvernement craignait une contagion du « Printemps arabe » en Chine.

« La Chine n'arrête pas de dire à d'autres pays qu'elle est un pays gouverné par des lois... nous espérons seulement que les autorités appliquent les lois qu'elles se sont elles-mêmes données... mais rien ne l'indique », a dit Ai.

Peu avant, il avait indiqué ne pas avoir été autorisé à assister à l'annonce de la décision du tribunal pékinois de Chaoyang sur sa plainte, intervenant un mois après l'audience sur cette même affaire.

De nombreux policiers étaient présents vendredi à l'extérieur de l'atelier du sculpteur, plasticien et architecte mondialement connu.

La présence policière était tout aussi massive autour du tribunal, d'où un journaliste de l'AFP a été sommé de partir.

Il y a huit mois, les avocats d'Ai avaient remis plus d'un million d'euros (1,2 million de dollars) de dons de ses partisans aux autorités pour servir de caution durant la procédure de contestation du redressement fiscal.

L'afflux de dons spontanés pour aider l'artiste dans son bras de fer avec le régime communiste avait profondément irrité Pékin.

L'an dernier, la détention de l'artiste d'avril à juin dans un lieu inconnu avait soulevé une vague d'indignation à travers le monde. Il avait ensuite vécu sous surveillance, sans pouvoir quitter Pékin pendant un an.

Une mesure qui a été levée le mois dernier, même s'il ne peut toujours pas quitter la Chine faute de passeport.

Avant sa détention, Ai Weiwei voyageait beaucoup, suivant ses installations, sculptures ou photographies exposées dans de nombreux pays à travers le monde.

Son arrestation a fait grimper la valeur de ses oeuvres, de même que sa notoriété. En octobre dernier, Ai Weiwei a été nommé la personnalité artistique la plus influente du monde par le magazine britannique Art Review.

Récemment, il a contribué à la réalisation d'un pavillon à la Serpentine Gallery de Londres aux côtés du cabinet suisse Herzog & de Meuron, avec lequel il avait déjà collaboré en participant à la conception du Nid d'oiseau, le stade olympique des Jeux olympiques de Pékin.

Farouche critique du régime communiste chinois, l'artiste polyvalent avait notamment enquêté sur l'effondrement d'écoles lors du séisme de 2008 dans la province du Sichuan et sur un incendie qui avait fait des dizaines de victimes en novembre 2010 à Shanghai.