Dans un appartement entouré de jardins au coeur de Greenwich Village à New York, le militant chinois Chen Guangcheng a entamé dimanche sa nouvelle vie américaine, goûtant à une liberté douce-amère à des milliers de kilomètres du pays qu'il voulait changer de l'intérieur.

Il est logé dans un immeuble de l'université de New York (NYU) qui lui a offert une bourse pour étudier le droit. Au pied de l'immeuble, des jeux d'enfants devraient faire le bonheur de sa fille de 6 ans et de son fils de 8 ans.

Pour sa première journée, il n'avait rien prévu de particulier, selon son entourage.

«Je suis venu pour récupérer un peu (dans mon) corps et (mon) esprit», après sept années «sans un jour de repos», avait-il déclaré samedi soir.

À son arrivée à New York, Chen Guangcheng, souriant, a pris le temps de parler à la presse, une liberté qu'il n'aurait pas imaginée dans l'isolement de son village de Dongshigu (est de la Chine), où il était encore assigné à résidence il y a un mois.

Mais cet avocat autodidacte aveugle de 40 ans, rendu notamment célèbre pour avoir dénoncé les campagnes de stérilisation et les avortements forcés en Chine, n'exultait pas pour autant.

Il a exprimé sa gratitude envers l'ambassade américaine --où il avait trouvé brièvement refuge à Pékin après son évasion rocambolesque de son village fin avril-- et a également remercié les autorités chinoises pour avoir géré la situation «avec retenue et calme».

Mais il s'est aussi inquiété de ce que les «représailles ne semblent pas avoir diminué» dans son village, où vivent encore des membres de sa famille. «Nous espérons une enquête approfondie sur cela», a-t-il ajouté.

«Je pense que les promesses du gouvernement central sont sincères et qu'ils ne me mentent pas», a-t-il ajouté. Chen a également mentionné que les autorités chinoises lui avaient promis de «protéger ses droits de citoyen à long terme».

Arrivé à New York avec sa femme et leurs enfants, après que Pékin eut finalement décidé de les laisser partir, Chen avait dit à plusieurs reprises avant son départ qu'il ne voulait pas obtenir l'asile aux États-Unis --il a obtenu un passeport et visa pour des études-- et il souhaite pouvoir retourner en Chine dès que possible.

Samedi soir, il semblait plus combatif que jamais, appelant à «continuer le combat pour le bien dans le monde et contre l'injustice». «L'égalité et la justice n'ont pas de frontières», a-t-il ajouté.

Mais selon les défenseurs des droits de l'homme, rien ne dit qu'il pourra retourner facilement dans son pays.

Chen Guangcheng s'est évadé le 22 avril de son village, gagnant clandestinement Pékin pour se placer sous la protection de l'ambassade américaine, affirmant d'abord vouloir rester en Chine, puis souhaitant en partir. Deux semaines de tractations tendues ont finalement permis son départ, sans pour autant résoudre la question de son avenir.

«Si son intention est de revenir en Chine, je crois que ce sera très difficile», a déclaré à l'AFP le professeur d'université à la retraite Sun Wenguang, longtemps redouté de Pékin pour sa virulente critique sociale.

«Il est à l'origine de turbulences diplomatiques et s'est retrouvé dans la lumière de la presse internationale. Le gouvernement ne le laissera pas revenir aussi facilement», a-t-il ajouté, doutant également que Chen puisse être «aussi efficace» depuis les États-Unis.

Ses années de prison (2006-2010) puis son assignation à résidence empêchaient Chen de militer autant qu'il le souhaitait, mais d'autres dissidents avaient rallié sa cause et des célébrités étrangères, dont l'acteur britannique Christian Bale, avaient défié Pékin en tentant de lui rendre visite dans son village.

Selon l'organisation Human Rights Watch, «le plus dur (...) sera de garantir son droit (...) de rentrer en Chine quand il le souhaitera».