La députée de l'opposition birmane Aung San Suu Kyi, longtemps maintenue en résidence surveillée, a fait un pas de plus vers la normalisation totale de son statut en obtenant un passeport qui lui permettra d'aller recevoir, plus de vingt ans après, son prix Nobel de la paix.

La Ligue nationale pour la démocratie (LND) a été informée vendredi dernier que l'icône de la démocratie avait obtenu le précieux document, qui ouvre une ère nouvelle pour ses activités politiques internationales et sa vie personnelle.

«C'est son premier passeport depuis 20 ans, j'ai l'impression que tout est redevenu normal désormais», a expliqué à l'AFP Nyan Win, porte-parole de la LND, précisant que ce voyage inaugural et historique aurait lieu mi-juin «comme prévu».

Réintégrée l'an passé dans le jeu politique légal par le président Thein Sein, après 15 années de privation de liberté, Suu Kyi prévoit de se rendre en Norvège pour y réceptionner le prix Nobel reçu en 1991, en son nom, par Michael Aris en présence de leurs deux enfants.

Elle doit aussi se rendre en Grande-Bretagne où elle avait fait ses études et rencontré son futur mari, qui décèdera d'un cancer en 1999 sans qu'elle n'ait jamais pu le revoir.

Revenue en Birmanie en 1988 au chevet de sa mère malade, celle qui était entrée cette année-là en politique à la faveur d'un soulèvement populaire réprimé dans le sang avait en effet jusqu'ici toujours refusé de repartir, de crainte de donner aux militaires une occasion en or pour la maintenir en exil.

Mais le contexte s'est radicalement transformé. La junte au pouvoir s'est autodissoute en mars 2011 et a transmis ses pouvoirs à un gouvernement civil d'anciens militaires qui a multiplié les réformes politiques.

La «Dame» de Rangoun a même triomphalement remporté son premier siège de députée aux élections partielles du 1er avril, qui ont fait de la LND la première force d'opposition du Parlement. Elle y a prêté serment la semaine dernière.

Un responsable gouvernemental a confirmé à l'AFP mardi qu'aucune forme de restriction ne pesait désormais sur elle. «Elle peut se rendre librement à l'étranger», a-t-il assuré sous couvert de l'anonymat.

Suu Kyi, 66 ans, devrait donc sans doute être bientôt assaillie de propositions.

Car son combat contre la junte birmane, son charisme et la volonté dont elle a su faire preuve, sans jamais renoncer à la non-violence, ont fait d'elle un des dissidents les plus connus de la planète.

Les plus hauts responsables étrangers se sont succédé à son domicile de Rangoun ces derniers mois, dont la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton en décembre, et le patron de l'ONU Ban Ki-moon tout récemment.

Les analystes estiment que l'annonce de ce voyage le mois dernier a témoigné d'une confiance toute nouvelle de l'opposante dans le régime actuel. Elle l'utilisera pour expliquer dans les capitales sa stratégie vis-à-vis des sanctions internationales qui pèsent contre le régime de Naypyidaw.

Suu Kyi souhaite leur levée progressive, afin de conserver un moyen de pression sur ceux, au sein du régime et notamment de l'armée, qui seraient tentés par une remise en cause des réformes.

L'Union européenne a suspendu pour un an toutes ses sanctions politiques et économiques, à l'exception de l'embargo sur les armes. Mais les États-Unis, qui ont allégé certaines restrictions aux investissements et promis la nomination rapide d'un ambassadeur, ont pour l'heure conservé leurs sanctions clés.