Le militant des droits de l'homme Chen Guangcheng, qui a réussi à fuir de son domicile où il était confiné par les autorités, se trouve bien à l'ambassade des États-Unis à Pékin, a confirmé lundi le dissident Hu Jia, mais il ne demande pas l'asile politique.

La fuite de Chen Guangcheng intervient à un très mauvais moment pour les relations sino-américaines alors que Pékin doit accueillir jeudi et vendredi la secrétaire d'État Hillary Clinton et le secrétaire au Trésor Timothy Geithner pour une importante rencontre bilatérale: le dialogue stratégique et économique.

«Il se trouve à l'ambassade», a dit par téléphone à l'AFP Hu Jia, qui a rencontré son ami Chen après que celui-ci se soit évadé, le 22 avril, de sa maison très surveillée de l'est de la Chine, dans des circonstances encore non élucidées, mais apparemment grâce à un réseau de complices.

Hu Jia a ainsi confirmé les rumeurs insistantes sur le fait que l'avocat autodidacte aveugle se trouvait désormais sous protection américaine, rumeurs au sujet desquelles Pékin comme Washington ont observé un silence embarrassé.

Bob Fu, le président de l'organisation chrétienne China Aid basée au Texas, a également confirmé que Chen se trouvait «sous la protection de l'ambassade des États unis à Pékin», dans une tribune au Washington Post. Il affirme que «l'évasion de Chen a été méticuleusement préparée pendant plusieurs mois».

Chen «ne demande pas l'asile politique» aux États-Unis, a ajouté de son côté Hu Jia. Ce qui pourrait rendre une solution encore plus difficile à trouver dans la mesure où l'avocat aveugle ne cherche pas à quitter son pays.

L'affaire a conduit les États-Unis à dépêcher dimanche à Pékin le secrétaire d'État adjoint chargé de l'Asie, Kurt Campbell, a rapporté le New York Times, citant des diplomates.

De son côté, l'Union européenne a demandé lundi à la Chine d'exercer «la plus grande retenue» après l'évasion de Chen et «d'éviter le harcèlement des membres de sa famille ou de toute personne lui étant associée».

Hu Jia a été arrêté samedi par la sécurité d'État chinoise après la publication sur l'internet d'une photo de lui et Chen, puis relâché dimanche après-midi au bout de 24 heures exactement, a-t-il expliqué.

«Ils étaient très préoccupés au sujet de la situation de Chen Guangcheng», a dit Hu Jia, «ils voulaient tout particulièrement savoir comment il avait réussi à s'échapper et qui étaient ceux qui l'avaient amené à Pékin».

«Ils ont demandé quand il avait rencontré l'ambassadeur (américain) Gary Locke», a-t-il dit, «donc il semble très clair qu'il a rencontré l'ambassadeur des États-Unis».

Chen Guangcheng, pourfendeur des abus de la politique de l'enfant unique en Chine et des expropriations, s'est échappé de son domicile du Shandong (est) où il était assigné à résidence depuis 19 mois et a adressé vendredi dernier un message par internet au premier ministre Wen Jiabao sur son calvaire.

Dans ce message, ce militant des droits civiques de 40 ans se plaint des brutalités physiques et du harcèlement des nervis du régime dont il a été victime ainsi que sa famille depuis le début de son assignation officieuse à résidence.

Chen avait été libéré de prison en septembre 2010 après avoir purgé une peine de plus de quatre ans de réclusion, puis confiné dans sa maison de Dongshigu, gardée par des dizaines d'hommes de main du régime.

Des membres de sa famille, mais aussi des amis militants soupçonnés de l'avoir aidé dans sa fuite ont été arrêtés, selon des associations de défense des droits de l'homme.

Le dernier dissident chinois connu à avoir trouvé refuge auprès de diplomates américains fut Fang Lizhi, surnommé le «Sakharov chinois», réfugié pendant plus d'un an à l'ambassade à la suite du «Printemps de Pékin» en 1989. Cet épisode avait provoqué un long bras de fer entre Chinois et Américains. Fang Lizhi est décédé au début du mois aux États-Unis.

En février dernier, Wang Lijun, «superflic» et ancien bras du dirigeant déchu Bo Xilai, avait pour sa part brièvement trouvé refuge au consulat américain de Chengdu (sud-ouest).

Cette affaire a donné le signal de départ d'une affaire politico-judiciaire exposant au grand jour des divisions internes du pouvoir chinois, à quelques mois d'un congrès du Parti communiste qui doit voir, pour la première fois en dix ans, une nouvelle génération de dirigeants accéder au pouvoir cet automne.