Quatorze personnes ont été tuées et plus de 500 blessées samedi par des attentats dans plusieurs villes de l'extrême sud de la Thaïlande, la série d'attaques la plus meurtrière depuis des années dans cette région en proie à une insurrection depuis 2004.

Samedi, deux bombes ont explosé à quelques minutes d'intervalle à la mi-journée dans le centre de Yala, capitale d'une des trois provinces placées sous état d'urgence.

Ces attentats ont fait onze morts et plus de 110 blessés, dont 29 étaient toujours hospitalisés dimanche, selon le colonel Pramote Promin, un porte-parole de l'armée dans le Sud.

Moins d'une heure plus tard, une explosion d'abord attribuée au gaz a frappé un hôtel de Hat Yai, la plus grande ville de cette région du pays, très populaire auprès des touristes asiatiques et généralement moins visée par les attaques.

«C'était une voiture piégée et c'est lié aux événements à Yala», a indiqué dimanche le général Priewpan Damapong, chef de la police nationale. «Je pense que c'était le travail du même groupe».

Cette troisième bombe a provoqué un incendie dans l'hôtel et tué trois personnes, dont un touriste malaisien.

Le gouverneur de la province de Songkhla, Grisada Boorach, a ajouté que 416 personnes avaient été blessées, principalement par l'inhalation de fumée, et que 140 étaient toujours à l'hôpital dimanche.

La première ministre Yingluck Shinawatra a assuré que les services de sécurité connaissaient les auteurs présumés. Ce n'est «pas un grand groupe» et il n'a pas de relations avec des «groupes étrangers», a-t-elle indiqué, sans autre précision.

Une insurrection a fait plus de 5000 morts depuis janvier 2004 dans l'extrême Sud, région rattachée à la Malaisie jusqu'au début du XXe siècle et où des groupes rebelles luttent contre la domination de Bangkok.

Le conflit est de nature politique, mais a pris une dimension religieuse au sein d'une population majoritairement d'ethnie malaise et de confession musulmane, contrairement au reste du pays, essentiellement bouddhiste.

Selon Sunai Phasuk, de l'organisation Human Rights Watch, les autorités thaïlandaises ont récemment mené des actions répressives contre les réseaux insurgés tout en réamorçant un dialogue avec certains interlocuteurs.

«Les factions radicales essaient de prouver que la violence est le seul moyen de parvenir à l'objectif de la séparation», a-t-il expliqué à l'AFP. «Il y a une tendance inquiétante à la radicalisation au sein du mouvement».

L'atmosphère générale se détériore en tout cas dans la région, avec «de nouveaux cas d'abus, y compris des meurtres de civils musulmans, et des sévices sexuels contre des filles musulmanes par des soldats thaïlandais».

L'armée a récemment reconnu que des paramilitaires avaient abattu, après un «malentendu», quatre musulmans qui revenaient de funérailles dans la province de Pattani. Elle est régulièrement accusée de bénéficier de la plus totale impunité.

Mais les insurgés ne sont pas non plus exempts de critiques. En septembre, Amnesty International soulignait qu'ils ciblaient de plus en plus de civils lors d'attaques parfois assimilables à des «crimes de guerre».

Les dernières en date «visaient spécifiquement des civils», a d'ailleurs relevé Sunai, notant que le choix de la date, à une quinzaine de jours du Nouvel An bouddhiste, n'était pas innocent. «Ils veulent paralyser l'économie du Sud».

L'un des événements les plus meurtriers dans la région a eu lieu en octobre 2004. Sept personnes avaient été abattues par les forces de l'ordre lors d'une manifestation à Tak Bai, et 78 autres étaient mortes étouffées ou écrasées dans les camions qui les conduisaient en détention.