La Birmanie mettait samedi la dernière main à la préparation des élections partielles de dimanche, cruciales pour évaluer la sincérité des réformes du gouvernement et qui devraient permettre l'entrée historique de l'opposante Aung San Suu Kyi au Parlement.

Beaucoup des 45 circonscriptions en jeu, disséminées dans tout le pays, étaient déjà fin prêtes. À Mayangone par exemple, une des six circonscriptions de Rangoun en compétition, tables et urnes électorales ont été installées dans un lycée.

«Les autorités nous ont envoyé des plans pour la préparation du bureau de vote et nous l'avons installé exactement comme le disaient les instructions», a commenté Myint Ngwe, enseignant en charge des préparatifs.

À Mingalar Taung Nyunt, autre circonscription de Rangoun, l'atmosphère était à la fête avant même de voter. Vendredi, au dernier jour de la campagne, des camionnettes où s'entassaient enfants et vieillards ont sillonné les rues à grand renfort de musique, notamment le désormais tube de campagne «Notre mère est de retour».

Sur les trottoirs, les habitants sont visiblement heureux de pouvoir enfin exprimer librement leur soutien politique. Il y a encore un an, parler de Suu Kyi en public était un acte politique rebelle et dangereux.

De nombreux partisans, portant les T-shirts et les foulards rouges de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), ont collé le logo du parti sur leur visage: un paon couleur or au cou tendu vers une étoile blanche, sur fond rouge.

«Nous avons des représentants dans les bureaux de vote et des gens pour nous fournir des informations», a expliqué à l'AFP Phyu Phyu Thin, candidate de la LND. «Nous voulons savoir ce qui se passe. Les résultats seront conformes au désir de la population. La LND doit gagner».

Suu Kyi a regretté vendredi que le scrutin ne soit pas «libre et juste» en raison d'irrégularités pendant la campagne et sur les listes électorales. Mais  elle a aussi insisté sur la nécessité d'y participer.

«Nous sommes toujours déterminés à aller de l'avant, parce que c'est ce que notre peuple souhaite», a-t-elle justifié. «Nous n'avons jamais fait de compromis sur le plan des principes (...). Une fois au parlement, nous pourrons travailler pour une véritable démocratisation».

Après avoir mis un terme à ses déplacements il y a quelques jours à la suite de problèmes de santé mineurs, elle a quitté samedi après-midi sa maison de Rangoun pour rejoindre la circonscription rurale de Kawhmu où elle est candidate, à environ deux heures de route.

En attendant le vote, dans les rues du poumon économique du pays, les vendeurs de T-shirts à son effigie se sont multipliés, inventant sans cesse de nouveaux slogans. «Nous devons gagner», pouvait-on lire sur l'un d'eux, avec le visage de Suu Kyi imprimé en noir sur fond rouge.

Et la LND a installé samedi un écran géant devant son quartier général à Rangoun.

Aung San Suu Kyi avait triomphé aux élections de 1990, sans que la junte ne reconnaisse les résultats. Elle était encore en résidence surveillée vingt ans plus tard, en novembre 2010, lors de législatives boycottées par la LND et qualifiées de mascarade par l'Occident.

Mais depuis, la junte au pouvoir pendant des décennies s'est autodissoute en mars 2011 et a transféré ses pouvoirs à un gouvernement dit «civil», mais contrôlé par d'anciens militaires.

Cette nouvelle équipe, dirigée par le président et ancien général Thein Sein, a multiplié les réformes. Il a en particulier invité Suu Kyi à revenir dans le jeu politique légal dans l'espoir, selon les analystes, d'accroître la légitimité des réformes et d'obtenir la levée des sanctions économiques occidentales.

Quels que soient les résultats, le pouvoir n'a rien à craindre de ces partielles.

Le Parti de la solidarité et du développement de l'Union (USDP), créé de toutes pièces par l'ancienne junte, avait revendiqué environ 80% des sièges en 2010. Et il peut compter sur la fidélité d'un quart des parlementaires, militaires d'active désignés en marge du processus électoral, en vertu de la Constitution de 2008.