Le premier chef d'État démocratiquement élu aux Maldives, Mohamed Nasheed, a démissionné après des semaines de troubles politiques qui ont abouti mardi à une mutinerie de policiers, qualifiée par la présidence de tentative de coup d'État dans cet archipel de l'océan Indien.

«Ce sera mieux pour le pays dans la situation actuelle si je démissionne. Je ne veux pas diriger le pays d'une main de fer. Je démissionne», a déclaré le président lors d'une conférence de presse télévisée.

Le vice-président, Mohamed Waheed, a été investi peu après chef d'État, un rôle qu'il endossera jusqu'en novembre 2013, date de la fin du mandat du président démissionnaire.

Des policiers rebelles se sont joints mardi à des manifestations d'opposants qui affectent depuis trois semaines la capitale, Malé. Ils ont pris un peu plus tard le contrôle de la télévision d'État.

La décision de démissionner semble avoir été prise par le président après avoir perdu le soutien de l'armée qui, selon son porte-parole, le colonel Abdul Raheem Adbul Latheef, lui a conseillé de quitter le pouvoir.

«De sa propre initiative, le président s'est rendu au siège de l'armée pour demander conseil (...) et savoir s'il devait démissionner. Il a reçu le message», a commenté ce porte-parole.

Une source au sein de la présidence a qualifié la mutinerie de policiers de «tentative de coup d'État» fomenté par l'ancien président, Maumoon Abdul Gayoom, que Nasheed avait délogé du pouvoir lors des premières élections présidentielles démocratiques en 2008.

Mais l'armée a démenti qu'un coup d'État se soit produit dans l'archipel de 300 000 musulmans sunnites. «Ce n'est pas un coup d'État. Absolument pas», a affirmé à l'AFP le porte-parole de l'armée par téléphone depuis Malé.

Les manifestants réclamaient la tête du président depuis qu'il avait ordonné l'arrestation le mois dernier du président de la Cour d'assises, accusé par le pouvoir de mauvaise conduite et d'avoir favorisé des figures de l'opposition.

Un dirigeant d'un parti d'opposition, le Dhivehi Quamee Party, a affirmé avoir demandé à l'armée d'arrêter Mohamed Nasheed.

«Son mandat a été entaché de népotisme et de corruption et il a souvent violé la Constitution», a jugé Hassan Saeed, qui l'accuse aussi d'être sous la coupe des juifs et des chrétiens.

L'armée affirme que M. Nasheed se trouvait à sa résidence, libre.

Dans un communiqué mis en ligne sur le site internet du président, le gouvernement a assuré vouloir travailler, «au côté de toutes les institutions étatiques, à assurer la paix et la stabilité à Malé».

«Le gouvernement des Maldives appelle au soutien et au calme de la population pour stabiliser la situation», selon le texte.

L'ancien président Gayoom, actuellement en Malaisie, a salué la démission de son successeur, selon un porte-parole de son parti, le Progressive Party of Maldives.

Une délégation du département des Affaires politiques des Nations unies, menée par son sous-secrétaire général, Oscar Fernandez-Taranco, était attendue jeudi dans l'archipel pour négocier une sortie de crise.

Le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Naseem, avait écrit le mois dernier au bureau du haut commissaire aux droits de l'homme des Nations unies pour demander de «dépêcher en urgence» une équipe de juristes.

Mohammed Nasheed, plusieurs fois emprisonné lorsqu'il était dans l'opposition, était arrivé au pouvoir en 2008 pour un mandat de cinq ans.

Il était le premier président élu démocratiquement dans cet archipel de 1200 îles de l'océan Indien plébiscité par les touristes fortunés en quête d'exotisme.

Il créa en exil son parti, le Parti démocratique des Maldives, avant de revenir sur l'île en héros et de remporter 54% des voix en 2008.

Mais son gouvernement a été régulièrement accusé de corruption et de mauvaise gestion financière. Des manifestations avaient déjà éclaté au printemps 2011.

Un fort taux de chômage parmi les jeunes, une hausse de l'extrémisme islamiste et un ralentissement de l'activité touristique en raison d'une situation économique mondiale délicate ont alimenté le mécontentement à l'égard de l'administration Nasheed.

Selon des habitants, une foule s'était massée devant la présidence après la démission de Nasheed, mais les rues se sont rapidement vidées mardi soir tandis que les magasins sont restés ouverts comme un jour ordinaire.

«Sa démission a été une surprise pour tout le monde», a jugé un avocat, Mohamed Anil.

Konica Kapoor, agente de voyages basés à New Delhi, a indiqué à l'AFP avoir déjà été contactée par plusieurs couples demandant l'annulation de leur séjour aux Maldives, où ils devaient effectuer leur lune de miel.