Les autorités chinoises ont fini par lâcher du lest face à la rébellion des habitants d'un village du sud de la Chine excédés par les expropriations, en allégeant la présence policière et en promettant mercredi de libérer trois meneurs de la révolte.

Cette volte-face, après plus de dix jours de blocus du gros bourg de Wukan, montre que le pouvoir s'inquiète du bruit que fait dans le pays ce soulèvement et qu'il redoute une possible contagion à d'autres villes, notamment dans le sud manufacturier où de graves conflits sociaux ont éclaté ces derniers jours.

Les 13 000 citoyens de Wukan, sur la côte de la province méridionale du Guangdong, avaient obtenu que leurs représentants puissent s'entretenir mercredi avec Zhu Mingguo, un responsable local du Parti communiste.

Cela avait conduit les habitants, qui accusent leurs cadres communistes locaux de corruption, à reporter une marche prévue ce même jour.

Le résultat de l'entrevue a été annoncé par le porte-parole des habitants Lin Zulian. «Les trois vont être libérés l'un après l'autre aujourd'hui (mercredi) et demain (jeudi)», a déclaré M. Lin, qui a confié être «très satisfait».

«Ce n'est pas une victoire, mais un début de victoire», a estimé M. Lin.

Selon lui, les autorités communistes ont également promis de rendre au village, à une date non précisée, le corps d'un autre des meneurs de la révolte, Xue Jinbo, mort récemment en détention.

Les villageois de Wukan accusent la police d'avoir battu à mort Xue Jinbo, qui avait pris la tête de manifestations ayant dégénéré en violences en septembre contre des expropriations.

Les autorités ont affirmé que l'homme était mort d'une «défaillance cardiaque» à l'âge de 42 ans.

Les forces de sécurité, qui maintenaient un blocus depuis plus de dix jours autour de Wukan, ont levé certains de leurs barrages.

Les habitants de Wukan sont en révolte ouverte contre les autorités pour demander des réparations après des saisies de terres qu'ils jugent illégales.

En dépit de la censure, ce soulèvement est très suivi sur les sites de microblogues en Chine.

Selon M. Lin, Zhu Mingguo a promis que les villageois de Wukan recevraient des compensations pour les terres saisies, même si le responsable communiste n'est pas rentré dans les détails.

La révolte de Wukan est devenue une épine dans le pied du Parti communiste du Guangdong, province prospère située aux portes de Hong Kong et considérée comme la vitrine de l'époustouflante réussite économique de la Chine.

Dans cette même province, des milliers d'habitants avaient manifesté mardi contre la grave pollution causée selon eux par une centrale thermique au charbon dans la ville de Haimen.

Les policiers avaient frappé brutalement les protestataires et les avaient repoussés avec des gaz lacrymogènes, selon des témoins.

Les autorités citées par la presse officielle ont annoncé suspendre un projet d'extension de cette centrale, mais cela n'a pas empêché les riverains de manifester à nouveau mercredi.

Les policiers, visés par des jets de briques, ont encore frappé en retour les protestataires, ont rapporté des témoins.

Des manifestants parlant par téléphone à l'AFP ont affirmé qu'un adolescent de 15 ans ainsi qu'une femme avaient trouvé la mort. Selon la télévision Oriental TV, basée à Hong Kong, les violences ont fait six morts et près de 200 blessés parmi les habitants. L'AFP n'a pas été en mesure de confirmer ces faits de façon indépendante.

Ces troubles mettent à mal en tout cas le thème central de «société harmonieuse» que tente de promouvoir le pouvoir chinois, alors qu'une nouvelle génération de leaders communistes doit prendre ses fonctions l'an prochain.

Les recherches sur l'internet contenant le mot «Haimen» étaient censurées mercredi.