Les Khmers rouges n'étaient pas des «gens mauvais», a assuré lundi leur ancien numéro deux lors du début des témoignages au procès emblématique du régime qui a fait quelque deux millions de morts entre 1975 et 1979.

Nuon Chea, «frère numéro 2» et idéologue du régime de Pol Pot -mort en 1998-, est le premier des trois accusés qui comparaissent devant le tribunal international parrainé par l'ONU à être interrogé par les juges.

«Je ne veux pas que les prochaines générations interprètent mal l'Histoire. Je ne veux pas qu'elles se méprennent sur les Khmers rouges qui auraient été des gens mauvais, des criminels. Rien de ceci n'est vrai», a-t-il déclaré.

Nuon Chea, l'ancien ministre des Affaires étrangères Ieng Sary et l'ancien président du «Kampuchéa démocratique» Khieu Samphan, sont accusés de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, mais rejettent toutes les accusations.

Quelque deux millions de personnes, soit un quart du Cambodge de l'époque, sont mortes au nom d'une utopie marxiste délirante qui a vidé les villes, aboli la monnaie et l'éducation scolaire, et généralisé le travail forcé, jusqu'à l'intervention des Vietnamiens en 1979.

Nuon Chea a une nouvelle fois mis en cause, lundi, le Vietnam, qui a «toujours essayé d'avaler le territoire cambodgien» et qui «a tué les Cambodgiens».

«Je me suis consacré à servir le pays», a encore martelé l'ancien bras droit de Pol Pot, qui a coopéré avec le tribunal par des réponses détaillées sur l'émergence du mouvement communiste dans les années 1950 et 1960 au Cambodge.

Il a expliqué s'être lui-même intéressé au communisme en découvrant que «l'injustice était partout». Il a également justifié son engagement en mettant en cause les colonisateurs français, coupables d'«oppression et de mauvais traitements» contre le peuple cambodgien, qui a obtenu son indépendance en 1953.

L'audience s'est interrompue plus tôt que prévu, l'octogénaire se plaignant d'être «épuisé».

Son témoignage, qui se poursuivra mardi, a provoqué la colère des survivants.

«Quel genre de patriote était-il, alors que des millions de personnes ont été évacuées des villes, pour souffrir», s'est ainsi interrogé Chum Mey, 80 ans.

«Nous ne sommes pas heureux lorsqu'il dit que les Khmers rouges n'étaient pas mauvais», a-t-il ajouté. «Il parle seulement pour que sa punition soit réduite».

Alors que beaucoup craignent que certains des accusés, tous octogénaires, ne meurent avant d'entendre un verdict, le tribunal a découpé le procès pour accélérer la procédure.

Le segment en cours est consacré aux crimes contre l'humanité lors des déplacements forcés de population, notamment l'évacuation de la capitale Phnom Penh, le 17 avril 1975.

Khieu Samphan devrait être interrogé dans les deux semaines qui viennent.

L'ancienne ministre des Affaires sociales Ieng Thirith, épouse de Ieng Sary, n'est quant à elle plus dans le box des accusés. Souffrant de pertes de mémoire, de démence et probablement de la maladie d'Alzheimer, elle a été déclarée inapte à être jugée.

Ce procès est le deuxième du tribunal international. Douch, de son vrai nom Kaing Guek Eav, chef de la prison S21 de la capitale, avait été condamné en juillet 2010 à 30 ans de prison. Il attend un verdict en appel le 3 février.