L'opposante birmane Aung San Suu Kyi s'est montrée prudemment optimiste vendredi, espérant que la démocratie finirait par arriver dans son pays, en accueillant chaleureusement la secrétaire d'État américaine dans la maison où elle a été enfermée pendant des années.

Hillary Clinton a embrassé la lauréate du prix Nobel de la paix sur les deux joues en arrivant vendredi matin dans cette bâtisse délabrée de Rangoun.

Une scène encore inimaginable l'an dernier, lorsque la «Dame» de Rangoun   était toujours en résidence surveillée.

Mme Suu Kyi a apporté son soutien à la première visite «historique» d'un chef de la diplomatie américaine dans son pays depuis plus de cinquante ans et à la rencontre jeudi de Mme Clinton avec les nouveaux dirigeants du régime «civil» qui a remplacé la junte dissoute en mars.

«Je suis très confiante dans le fait que si nous travaillons tous ensemble (...) il n'y aura pas de retour en arrière sur la voie de la démocratie», a-t-elle déclaré sous le porche de sa maison.

Dans un pays toujours dominé par les militaires, le régime, qui a multiplié depuis huit mois les réformes politiques, doit encore faire des progrès, mais «nous espérons y parvenir aussi vite que possible», a-t-elle ajouté.

La secrétaire d'État américaine a approuvé, notant avoir vu des «ouvertures» lors de ce voyage de trois jours qui lui a donné des «motifs d'encouragement».

L'ancienne Première dame des États-Unis était visiblement très heureuse de sa rencontre avec l'icône de la démocratie, la serrant plusieurs fois dans ses bras.

Lors d'un dîner en tête-à-tête la veille, l'Américaine avait remis à Mme Suu Kyi une lettre du président Barack Obama l'assurant du soutien indéfectible des États-Unis.

Malgré cette atmosphère chaleureuse, les deux femmes ont exprimé leurs inquiétudes concernant le maintien derrière les barreaux de prisonniers politiques (500 à 1600 selon les diverses estimations). Et les violations des droits de l'homme dans les zones où les minorités ethniques se battent pour plus d'autonomie depuis des décennies.

«Tous les combats doivent cesser dans le pays aussi vite que possible», a insisté la Birmane. Elle a également réclamé la libération de tous les prisonniers politiques et que «plus aucun ne soit arrêté à l'avenir pour ses opinions».

Encore marginalisée après des années enfermée, l'opposante est revenue ces derniers mois au coeur du jeu politique et est plus que jamais l'interlocutrice incontournable des capitales occidentales.

Sa Ligue nationale pour la démocratie (LND), dissoute par les militaires en mai 2010 pour avoir annoncé le boycottage des élections de novembre suivant, a décidé de se réenregistrer et de présenter des candidats aux prochaines législatives partielles.

Suu Kyi elle-même a annoncé cette semaine son intention d'y participer, pour la première fois de sa carrière politique.

Elle était déjà enfermée lors des élections de 1990, que la LND avait remportées sans jamais être autorisée à exercer le pouvoir, et a été libérée une semaine après le scrutin de novembre 2010.

Alors que sa bénédiction est sans doute nécessaire pour envisager la levée des sanctions, l'opposante n'a pas évoqué cette question vendredi.

Elle a en revanche salué les gestes évoqués par Mme Clinton pour encourager les réformes, comme l'éventualité, si d'autres progrès voyaient le jour, de nommer un ambassadeur à part entière dans le pays.

À la fin de sa visite, la secrétaire d'État a annoncé une aide de 1,2 million de dollars en faveur de la société civile, pour soutenir le micro-crédit, les soins de santé et les victimes des mines.

Elle a en revanche insisté sur le fait que le gouvernement devrait faire plus pour voir lever les sanctions économiques.

«Nous répondrons à chaque action par une action et s'il y a suffisamment de progrès, évidemment, nous envisagerons de lever les sanctions (...) Mais comme je l'ai déjà dit, nous en sommes toujours au tout début de ce dialogue».

Autre signe de l'adoucissement de la ligne américaine, elle s'est éloignée de l'idée d'une enquête de l'ONU sur les violations des droits de l'homme, voulant laisser une chance aux dirigeants de déterminer les responsabilités eux-mêmes.