Hillary Clinton est arrivée mercredi en Birmanie pour la première visite d'un secrétaire d'État américain depuis 50 ans, avec l'espoir d'encourager «un mouvement pour le changement» dans l'un des pays les plus isolés de la planète.

Mme Clinton a été accueillie en grande pompe à Naypyidaw, promue capitale à la place de Rangoun en 2005 par la junte alors au pouvoir. Des centaines de policiers étaient déployés aux carrefours souvent déserts de cette ville nouvelle bâtie au milieu de la jungle et longtemps inaccessible au public.

La junte s'est autodissoute en mars et a transféré ses pouvoirs à un gouvernement dit «civil».

Dans un des pays les plus pauvres du monde, toujours dominé par les militaires, le nouveau régime a surpris par une série de réformes politiques, permettant en particulier le retour au coeur du jeu politique de l'opposante Aung San Suu Kyi, libérée de sa résidence surveillée il y a un an.

Le président américain Barack Obama a personnellement annoncé la visite de sa secrétaire d'État en évoquant des «lueurs» d'espoir dans le pays. Mais son administration reste prudente, consciente d'attentes déçues par le passé.

Juste avant d'arriver en Birmanie, Mme Clinton a souligné mercredi que les États-Unis espéraient que les efforts de réformes se traduiraient par un véritable «mouvement pour le changement, qui bénéficiera au peuple».

Elle a indiqué aux journalistes qu'elle déterminerait par elle-même «quelles sont les intentions du gouvernement actuel en ce qui concerne la poursuite des réformes, politiques et économiques».

Elle doit également insister pour la libération de tous les prisonniers politiques -qui seraient entre 500 et plus de 1600 selon les estimations- et pour la résolution des conflits avec les minorités ethniques, qui n'ont jamais pacifié leurs relations avec le pouvoir central depuis l'indépendance en 1948.

Selon des responsables américains, Clinton n'annoncera pas la levée des sanctions économiques, étape qui nécessiterait l'approbation du Congrès. Mais les diplomates américains de haut rang entreprennent rarement un tel voyage sans être prêts à offrir quelque encouragement.

La secrétaire d'État devait rencontrer jeudi le président Thein Sein, ancien général et premier ministre de la junte, qui pousse désormais pour les réformes. Avant de partir pour un entretien à Rangoun avec Aung San Suu Kyi, incontournable interlocutrice des capitales occidentales.

Un haut responsable qui l'accompagne a indiqué s'attendre à ce que les dirigeants birmans fassent un geste concernant un des domaines d'inquiétude des Américains: les accusations de coopération avec la Corée du Nord sur un programme d'armement nucléaire.

Il a ainsi évoqué la possible future signature par Naypyidaw d'un accord qui permettrait à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) un contrôle renforcé.

«Nous ne voyons pas de signes d'efforts importants en ce moment» sur un programme d'armement nucléaire, a-t-il assuré.

L'administration Obama, tout en maintenant ses sanctions, a entamé en 2009 un dialogue avec la junte alors au pouvoir, estimant que la politique des Occidentaux visant à isoler les généraux avait échoué.

Mais cette stratégie a été, jusqu'à récemment, un «échec monumental», a reconnu le haut responsable américain, notant que les États-Unis en savaient peu sur le processus de décision en Birmanie.

«Il est très possible que (Thein Sein) ait eu une meilleure idée de ce que se passait en Asie du Sud-Est et à quel point son pays était en retard» lors de voyages à l'étranger lorsqu'il était premier ministre de la junte, a-t-il noté.

L'opposante birmane Aung San Suu Kyi a annoncé mercredi son intention de se présenter aux prochaines élections législatives partielles prévues en Birmanie.

«Je participerai certainement aux élections quand elles auront lieu», a lancé le prix Nobel de la paix au cours d'une visioconférence entre la Birmanie et Washington.

Le parti de Mme Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), dissoute par les militaires, a décidé de se ré-enregistrer et de présenter des candidats aux prochaines élections partielles. L'entourage de l'opposante avait indiqué qu'elle était décidée à conquérir un siège de député.

«Nous espérons qu'en ayant certains des nôtres au Parlement, nous pourrons faire deux fois plus de travail que ce que nous faisons (actuellement), parce que nous aurons des activités au Parlement et en dehors», a-t-elle expliqué.

En 1990, la LND avait humilié le régime militaire en remportant 392 des 485 sièges en compétition. Mais les généraux avaient refusé de s'incliner. Celle que les Birmans surnomment la «Dame» était alors déjà privée de liberté et l'est restée pendant 15 des 21 années suivantes.

Mme Suu Kyi, 66 ans, a été libérée il y a un an, le 13 novembre 2010.

Depuis, elle a rencontré la société civile, fait des voyages en province, accordé des dizaines d'interviews. Surtout, elle s'est entretenue dans la capitale Naypyidaw avec le président Thein Sein.

La fille du général Aung San, héros assassiné de l'indépendance birmane, est plus que jamais l'interlocutrice incontournable des capitales occidentales.

C'est après s'être entretenue avec elle au téléphone que Barack Obama, le président américain, avait annoncé récemment qu'il dépêchait en Birmanie Hillary Clinton, la chef de la diplomatie américaine.

Mme Clinton a entamé mercredi sa visite en Birmanie.

Aung San Suu Kyi souhaite participer aux élections

«J'espère que la visite de la secrétaire d'État Clinton ouvrira la voie à une relation meilleure (...) et qu'il y aura une sorte d'entente qui profitera à l'avancée des réformes», a déclaré le prix Nobel de la paix lors de la visioconférence mercredi.

Le pouvoir birman «est plutôt à l'aise avec les liens étroits» entretenus par Aung San Suu Ki avec les États-Unis, a estimé l'opposante, selon qui le gouvernement sait qu'elle n'a pas l'intention d'utiliser ses relations avec Washington pour nuire à son pays.

Selon les experts, la Birmanie, aujourd'hui très dépendante de son puissant allié et voisin chinois, cherche désormais à diversifier sa politique étrangère.

Juste avant le déplacement de Mme Clinton, le chef de l'armée birmane s'est rendu à Pékin pour réaffirmer les liens avec la Chine, que Thein Sein a récemment défiée en suspendant la construction d'un barrage controversé financé par les Chinois.