La Thaïlande se préparait samedi à un combat de plusieurs semaines face aux inondations, les pires dans le royaume depuis des décennies, alors que l'eau gagnait doucement du terrain dans les quartiers nord de la capitale et se rapprochait du centre.

Le gouvernement a décidé d'ouvrir les écluses des canaux et rivières de Bangkok, afin de soulager la pression sur les digues qui la protègent et de permettre l'évacuation, le plus vite possible, des eaux vers le golfe de Thaïlande.

Mais les milliards de mètres cubes d'eau, qui ont déjà submergé des villes entières et provoquent une énorme tâche bleue au dessus de Bangkok sur les photos prises par satellites, ne présageaient pas d'une issue rapide.

Le combat va durer «de quatre à six semaines», a déclaré la première ministre Yingluck Shinawatra, en prévenant que certains quartiers risquaient d'être noyés sous un mètre d'eau.

«Les eaux ont atteint Bangkok, le coeur de l'économie et de l'administration, et nous devons sécuriser tous les lieux importants», a-t-elle ajouté.

Le gouvernement, qui subit son premier vrai test depuis sa prise de pouvoir en août, a longtemps tenté d'empêcher la capitale de 12 millions d'habitants d'être gagnée par les eaux après une mousson surabondante qui a déjà tué plus de 750 personnes en Asie du Sud-Est, dont 356 en Thaïlande.

Mais cette bataille-là est clairement perdue et la seule question est désormais de savoir si les centres historique, financier et commercial seront durement touchés ou non.

Le centre-ville se préparait à la montée des eaux, sans trop savoir ni où, ni quand, ni jusqu'où, en accumulant les rangées de sacs de sable et en remplissant les caddies de supermarchés d'eau et de produits de base.

Des inondations mineures ont été enregistrées dans le district du parlement, après la montée du niveau du fleuve Chao Phraya, et les autorités de la ville ont conseillé à 3000 personnes de partir. Un responsable de district a fait état de 60 centimètres d'eau vers 20h.

La première ministre tentait malgré tout de rassurer sur sa capacité à éviter la catastrophe humanitaire. «Dans les zones très inondées, les camions de l'armée et de la police livreront les biens de consommation», a-t-elle expliqué en demandant aux résidants de ne pas paniquer, ni stocker de la nourriture.

Les premiers districts inondés, Don Muang et Lak Si, étaient aussi les plus sévèrement touchés, au nord de la ville, à une quinzaine de kilomètres du centre. Plus de 1000 personnes en ont été évacuées.

Comme dans les provinces voisines, les résidants sortaient pneumatiques et bateaux de fortune pendant que des policiers faisaient la circulation, de l'eau jusqu'aux genoux.

Un total de 28 provinces sont inondées, 9 millions de personnes sont concernées. Au total, 113 000 personnes ont été admises dans des centres de secours.

Yingluck a invoqué une loi sur les désastres naturels qui lui permet de prendre la main sur toutes les décisions, notamment après des difficultés avec le gouverneur de Bangkok, membre du Parti démocrate (opposition).

Les démocrates ont réclamé l'état d'urgence pour donner plus de pouvoir aux militaires, option qui a été rejetée. Des dizaines de milliers de soldats et militaires ont cependant été mobilisés. Et le puissant chef de l'armée Prayut Chan-O-Cha a demandé aux sinistrés de devancer les difficultés.

«Les gens doivent aussi se prendre en main. Il ne faut pas se contenter d'attendre les personnels de secours, qui sont des centaines de milliers, alors qu'il y a des millions de victimes», a-t-il déclaré.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a rappelé de son côté que le royaume était, comme tout pays aux prises avec des inondations majeures, en proie à des risques d'épidémies.

«Bangkok fait face aux mêmes risques que les autres zones inondées, mais en plus grande quantité», a expliqué Maureen Birmingham, représentante de l'agence onusienne en Thaïlande. «Beaucoup d'agences (des Nations unies) sont conscientes qu'il pourrait y avoir des besoins importants».