La première ministre thaïlandaise, aux prises avec des inondations incontrôlables, a demandé vendredi aux habitants de Bangkok de déplacer leurs biens sur des hauteurs, quelques heures avant que les premiers quartiers du nord de la ville ne soient envahis par les eaux.

Yingluck Shinawatra a conseillé aux 12 millions d'habitants de la capitale de mettre leurs valeurs à l'abri, notamment aux étages supérieurs des habitations. Une mesure indispensable après avoir fait ouvrir la veille ses écluses, pour évacuer la masse d'eau qui inonde depuis plusieurs jours une immense plaine au nord de Bangkok.

«Je demande à tous les résidants de Bangkok de déplacer leurs biens en hauteur par précaution, mais ils ne doivent pas paniquer, simplement se préparer», a-t-elle déclaré aux journalistes, depuis le centre de secours de l'aéroport domestique de Don Mueang, toujours au sec.

Plusieurs quartiers étaient inondés à une quinzaine de kilomètres au nord du centre-ville, suite au débordement d'un canal.

«L'eau continue à monter. Ça ne décroît pas du tout. Ça continue à s'étendre», a indiqué en fin de journée Phumpat Damrongkiatisak, responsable administratif du district de Don Mueang, dont plusieurs kilomètres carrés sont noyés. «Le niveau moyen est encore en dessous d'un mètre», a-t-il précisé.

Et dans l'est de la capitale encore au sec, le niveau de l'eau se rapprochait dangereusement du haut des digues.

Le gouvernement, qui subit son premier vrai test depuis sa prise de pouvoir en août, aura beaucoup travaillé pour empêcher la capitale d'être gagnée par les eaux après une mousson surabondante qui a déjà tué plus de 750 personnes en Asie du Sud-Est, dont 342 en Thaïlande.

Des dizaines de kilomètres de digues de fortune, en sacs de sable, ont été érigés, pendant que les stocks d'eau potable étaient dévalisés et que la grande banlieue nord abandonnait les voitures pour les bateaux lors de tragiques évacuations de masse.

Mais cette bataille-là semblait perdue et la seule question vendredi était de savoir si le centre financier et commercial allait être durement touché ou non.

Le gouvernement a mobilisé des dizaines de milliers de soldats et policiers.

Yingluck a promis de dégager les axes de communication majeurs, notamment les voies express surélevées, sur lesquels des résidants ont garé leurs véhicules. Elle a renforcé la sécurité du Palais royal et de l'aéroport international Suvarnabhumi.

L'opposition a réclamé l'état d'urgence pour donner plus de pouvoir aux militaires et permettre notamment les évacuations de force.

«Je vais réfléchir à l'état d'urgence, mais nous ne sommes pas favorables à ce genre de situation», a répondu la chef du gouvernement, en jugeant que «la coopération des militaires (était) déjà satisfaisante».

Yingluck, 44 ans, a été beaucoup stigmatisée pour son indécision et ses déclarations contradictoires. La soeur de l'ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, une femme d'affaires entrée en politique tout juste deux mois avant les élections de juillet, peine à convaincre sur ses capacités à gouverner.

Vendredi, elle a cependant tenté de reprendre la main, notamment sur le gouverneur de Bangkok Sukhumbhand Paribatra, membre du Parti démocrate (opposition), soupçonné de lui résister.

«Je ne veux pas entendre parler de l'autorité de Bangkok», a-t-elle déclaré. «Si Bangkok ou n'importe quelle localité ne peut pas faire face, le (centre de coordination des secours) s'en chargera (...). Je demande à tout le monde de se joindre à la bataille».

Au-delà du débordement des canaux et rivières, le ministre de la Justice Pracha Promnog, patron des secours, a indiqué vendredi matin craindre «que la digue ne résiste pas à la pression de l'eau» venue du nord qui envahirait alors brutalement certains districts.

En fin de matinée, l'aéroport de Don Mueang comptait quelque 1600 déplacés et pouvait en accueillir environ 5000. Une population angoissée, souvent venue avec tout ce qu'elle pouvait sauver.

Y compris ses chiens. «Il y a une centaine de chiens qui courent partout et créent du désordre. Je comprends que les gens veulent sauver leur chien, mais (...) ils peuvent devenir dangereux pour les enfants», a expliqué à l'AFP Chunjit Panjanuwat, responsable du centre d'accueil.