Une chaîne de télévision diffuse une version islamique du jeu Who Wants to Be a Millionnaire?. Sa popularité illustre le poids grandissant de l'islam dans le pays, explique notre collaborateur.

Tous les soirs, de 30 à 40 millions de personnes sont au rendez-vous. À 19h30, Geo TV, première chaîne du pays, diffuse une émission de type Who Wants to Be a Millionnaire?. L'émission s'intitule Alif Laam Meem, trois lettres de l'alphabet arabe qui introduisent des sourates du Coran.

«Salam aleikoum», lance Junaid Jamshed, présentateur, avec son chapeau de prière et sa longue barbe brune. Ancien chanteur à succès autrefois rasé de près, cet artiste de 36 ans a redécouvert l'islam il y a peu.

Junaid Jamshed accueille un premier joueur: «Bienvenue à toi, Adnan, mon frère.» Dans la trentaine, souriant mais tendu, Adnan est un ancien cadre de Procter&Gamble qui s'est lancé dans l'étude du Coran.

En prix: un pèlerinage

S'il répond aux 15 questions, il remportera un appartement à La Mecque, un pèlerinage à La Mecque pour deux personnes et 2,8 millions de roupies (23 000 dollars). Junaid Jamshed enchaîne avec la première question: «De combien de pièces de tissu est constitué le vêtement que les pèlerins portent à La Mecque?»

-Deux, répond Adnan sans hésiter.

-C'est votre dernier mot?

-Oui.

-Allah u Akbar! Dieu te félicite, mon frère.

Adnan échoue à la cinquième question et repart avec 20 000 roupies (160 dollars). La difficulté du jeu ne décourage pas les postulants.

La chaîne a reçu de 30 000 à 40 000 candidatures durant les premières semaines. Alif Laam Meem est particulièrement populaire chez les femmes et les jeunes de 18 à 25 ans.

«Les Pakistanais pratiquent de plus en plus et ils le montrent en public», constate Imran Aslam, PDG de Geo.

Un avis que partage Rifaat Hussain. Ce professeur de 59 ans enseigne à l'Université Quaid-i-Azam d'Islamabad. «Dans les années 60 et 70, je voyageais dans le pays avec des filles, se rappelle-t-il. On pouvait boire de l'alcool en public, manger dans la journée pendant le ramadan... Désormais, c'est très mal vu.»

Crise identitaire

Le Pakistan traverse une crise identitaire. Cette République islamique a été fondée en 1947 pour donner un pays aux musulmans du sous-continent. Les pères fondateurs jugeaient impossible de s'intégrer dans une Inde à majorité hindoue. Mais ils n'ont jamais précisé quel islam devait constituer l'identité nationale.

La question est devenue épineuse après 2001. Le pays est divisé. Dans le Nord-Ouest, les talibans reprochent au gouvernement son alliance «impie» avec les États-Unis et combattent l'armée au nom de l'islam.

«La religion est omniprésente dans les médias, explique Imran Aslam. On entend parler de jihad, de fondamentalisme, etc. Du coup, l'opinion publique veut en savoir plus, en particulier les jeunes.» Soixante-six pour cent de la population a moins de 30 ans, signe que l'intérêt des Pakistanais pour l'islam est durable.