Le ministre japonais de l'Économie a démissionné pour avoir parlé de «ville de mort» à propos des environs désertés de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima, un coup dur pour le nouveau chef du gouvernement de centre-gauche aux commandes d'un pays marqué par les désastres.

«Aujourd'hui, j'ai rencontré le premier ministre et lui ai offert ma démission. Il l'a acceptée», a annoncé Yoshio Hachiro, samedi lors d'une conférence de presse.

La veille, lors de commentaires sur une visite effectuée jeudi à Fukushima en compagnie du chef du gouvernement, M. Hachiro avait déclaré: «Malheureusement, il n'y avait pas âme qui vive dans les rues des agglomérations voisines de la centrale. Cela faisait penser à une ville de mort».

Après sa visite de la centrale jeudi, M. Hachiro avait en outre fait mine de frotter sa veste contre un journaliste, lui disant que cela risquait de «le contaminer à la radioactivité», selon la presse.

Cette remarque et cette plaisanterie avaient immédiatement été dénoncées comme des preuves d'insensibilité et de mauvais goût par l'opposition conservatrice qui avait demandé à M. Noda de renvoyer leur auteur.

«Je m'excuse du fond de mon coeur pour ces déclarations qui ont suscité l'incompréhension chez les Japonais, notamment parmi les habitants de la préfecture de Fukushima», où se trouve la centrale accidentée Fukushima Daiichi, a déclaré M. Hachiro après sa démission.

Six mois après le séisme et le tsunami du 11 mars qui ont fait près de 20 000 morts dans le Nord-Est et entraîné l'accident nucléaire, le sujet reste très sensible au Japon.

Quelque 80 000 personnes ont été évacuées autour de Fukushima Daiichi (située à 220 km au nord-est de Tokyo), une centrale victime d'explosions et de fuites radioactives après le passage d'une vague géante de 14 mètres de haut, le plus grave accident nucléaire depuis Tchernobyl (Ukraine) en 1986.

Les autorités ont laissé entendre que les évacués ne pourraient pas rentrer chez eux avant des années, en raison de la contamination des environs du site.

Le départ prématuré de M. Hachiro constitue un rude coup pour M. Noda, sixième premier ministre en cinq ans d'un pays en proie à l'instabilité politique.

Ancien ministre des Finances, M. Noda vient de remplacer comme chef du gouvernement et comme président du Parti démocrate du Japon (centre-gauche) Naoto Kan, dont la gestion des conséquences du tsunami et de l'accident nucléaire a suscité de vives critiques.

Sa tâche est ardue: il doit redonner confiance à une population traumatisée par la série de catastrophes du 11 mars et lassée des joutes politiciennes, orchestrer la reconstruction du nord-est et lancer une réforme fiscale pour la financer, sortir le pays de la récession tout en contenant sa colossale dette publique.

Lors de la présentation de son équipe au début du mois, M. Noda a créé la surprise en nommant à des postes clés des quadragénaires et des hommes sans expérience gouvernementale, comme M. Hachiro.

Agronome de formation, M. Hachiro, 63 ans, s'était vu attribuer le puissant ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie (Meti).

Il devait notamment s'attaquer au défi de la politique énergétique du Japon, bouleversée par l'accident de Fukushima, depuis lequel la plupart des 54 réacteurs nucléaires du Japon sont arrêtés par précaution. M. Noda a reconnu qu'il serait difficile de construire de nouvelles centrales nucléaires dans l'archipel après Fukushima.

Un autre membre de l'équipe de M. Noda, le ministre de la Défense Yasuo Ichikawa, a aussi suscité les hauts cris de l'opposition en se qualifiant lui même d'«amateur concernant les questions de sécurité».