Un haut responsable d'Al-Qaïda, Younis al-Mauritani, a été capturé par les services de renseignement au Pakistan avec l'aide de leurs homologues américains, un nouveau revers pour Al-Qaïda qui marque aussi un net réchauffement des relations entre Islamabad et Washington.

Al-Mauritani --probablement un nom d'emprunt laissant supposer qu'il est mauritanien-- avait notamment été chargé «personnellement» par Oussama ben Laden de planifier des attentats visant «des cibles économiques importantes aux États-Unis, en Europe et en Australie», a assuré lundi l'armée pakistanaise dans un communiqué, sans préciser quand a eu lieu l'arrestation.

L'homme a été capturé dans la banlieue de Quetta, la capitale de la province du Baloutchistan, dans le sud-ouest, frontalière avec l'Afghanistan.

«Au cours d'une opération menée par l'Inter-Services Intelligence (ISI, le renseignement pakistanais, ndlr) (...), un haut cadre d'Al-Qaïda, Younis al-Mauritani, principalement responsable de la planification et de la conduite des opérations extérieures, a été capturé avec deux autres membres actifs d'Al-Qaïda, Abdul Ghaffar al-Shami (Bachar Cham) et Messara al-Shami (Mujahid Amino)», selon l'armée pakistanaise.

«Cette opération a été planifiée et conduite avec l'assistance technique des services de renseignement américains», a ajouté l'armée.

Al-Mauritani ne figure sur aucune des listes des responsables d'Al-Qaïda rendues publiques par le FBI ou le Trésor américain, qui promettent de fortes récompenses.

Mais il est «un cadre important et membre de l'état-major d'Al-Qaïda, lié aux menaces récemment mises au jour visant l'Europe», a indiqué à l'AFP un responsable de services de renseignement occidentaux, sous couvert de l'anonymat.

«Si son arrestation est confirmée, c'est une bonne prise», a confirmé un de ses pairs d'un autre pays.

«Il prévoyait de cibler les intérêts économiques des États-Unis, dont des gazoducs et des oléoducs, des centrales électriques, mais aussi des pétroliers, à l'aide de bateaux rapides bourrés d'explosifs dans les eaux internationales», précise le communiqué de l'armée pakistanaise.

Depuis la mort d'Oussama ben Laden, tué le 2 mai par un commando d'élite de l'armée américaine héliporté clandestinement à Abbottabad, à deux heures de route au nord d'Islamabad, les relations entre les États-Unis et le Pakistan, leur allié-clé dans leur «guerre contre le terrorisme» depuis fin 2001, s'étaient sérieusement dégradées, en particulier entre l'ISI et la CIA, qui avaient quasiment cessé de collaborer.

La capture d'Al-Mauritani, présentée par l'armée pakistanaise comme une prise «décisive» et un «nouveau revers fatal pour Al-Qaïda», marque donc un réchauffement --au moins public-- de ces relations, l'armée insistant de manière inhabituelle sur la collaboration avec le renseignement américain, affirmant même que les services secrets des deux pays jouissent de «relations fortes et historiques».

«Les services de renseignement du Pakistan et des États-Unis continuent de travailler étroitement pour renforcer la sécurité de leurs deux pays», assure le communiqué, qui parle même de «coopération intime».

Depuis le 2 mai, de hauts responsables à Washington accusaient Islamabad --et notamment l'ISI et l'armée-- de complicité pour expliquer que Ben Laden ait pu se terrer plusieurs années dans une ville-garnison non loin de la capitale. Et Islamabad reprochait à Washington de ne pas l'avoir averti de ce raid héliporté nocturne, que l'armée pakistanaise et l'ISI ont vécu comme une humiliation et une brimade.

Depuis fin 2001, quand Ben Laden et ses principaux lieutenants ont réussi à fuir les troupes américaines dans les montagnes d'Afghanistan pour se réfugier dans les zones tribales pakistanaises frontalières, le Pakistan est devenu le principal sanctuaire dans le monde d'Al-Qaïda.

Les zones tribales du nord-ouest, mais aussi certaines dans le sud-ouest, sont le bastion des talibans pakistanais alliés à Al-Qaïda, qui mettent à sa disposition ses camps d'entraînement et ses kamikazes.

À l'unisson de Ben Laden en personne, les talibans avaient décrété le jihad à Islamabad à l'été 2007 pour son soutien à Washington. Depuis, plus de 4.600 personnes ont péri dans tout le Pakistan dans plus de 500 attentats, suicide pour la plupart.