Le premier ministre indien a lancé jeudi un vibrant appel au militant anticorruption Anna Hazare pour qu'il cesse sa grève de la faim, en saluant son «idéalisme» et en lui assurant que ses demandes seraient examinées par le Parlement.

«Je respecte son idéalisme, je le respecte en tant que personne, il est devenu l'incarnation des préoccupations et du dégoût de notre peuple à l'égard de la corruption, je lui rends hommage», a déclaré M. Singh lors d'un discours télévisé devant le Parlement ayant pris une rare tournure personnelle.

«Sa vie est bien trop précieuse, je le presse de mettre un terme à son jeûne», a-t-il ajouté.

Ce changement de ton du premier ministre, qui avait d'abord qualifié la campagne de ce militant radical d'«infondée» au vu de la «prérogative exclusive» du Parlement en matière de législation, souligne la volonté du gouvernement d'arracher une rapide sortie de crise.

Après avoir obtenu le soutien la veille de tout l'échiquier politique, qui a appelé d'une seule voix le militant de 74 ans à stopper sa grève de la faim entamé le 16 août, le premier ministre a demandé à tous les membres du parlement de s'unir à leur tour à sa requête.

Les demandes d'Anna Hazare, qui a perdu 6,5 kilos, se sont cristallisées sur un projet de loi, le «Lokpal Bill», qui vise à créer un poste de médiateur de la République ayant pour rôle de surveiller les hommes politiques et les fonctionnaires du gouvernement.

Cet admirateur de Gandhi exige un renforcement des dispositions du texte de façon à ce que le médiateur puisse aussi enquêter sur le premier ministre et des magistrats de haut rang en cas de soupçon de corruption. Il a posé un ultimatum au gouvernement qui expire le 30 août, date limite de la grève de la faim autorisée par les autorités.

Sa campagne anticorruption, aux accents nationalistes, a trouvé un immense écho au sein d'une population révoltée par ce fléau qui gangrène la société.

Depuis le début de sa grève de la faim publique, le 19 août, des milliers de partisans se relaient chaque jour sur une esplanade du centre de New Delhi pour le soutenir.

Comme il l'avait déjà fait les jours précédents pour tenter, en vain, de sortir de l'impasse, Manmohan Singh a assuré que les demandes du militant seraient examinées par le Parlement, au même titre que d'autres suggestions susceptibles d'améliorer le texte.

Depuis des mois, des scandales de corruption ont défrayé la chronique, le plus retentissant d'entre eux ayant porté sur la vente présumée frauduleuse de licences de téléphonie mobile orchestrée par l'ancien ministre des Télécommunications.

Cette vente aurait fait perdre au pays une somme allant jusqu'à 40 milliards de dollars. L'ancien ministre est actuellement en attente de procès.

Le premier ministre, accusé d'avoir fermé les yeux sur cette affaire pour des raisons d'opportunisme politique, a déclaré jeudi que la corruption était un «problème à multiples facettes» et que le pays devait «lutter ensemble».

Jusque là considéré comme le «Monsieur Propre» de l'Inde mais fortement ébranlé par cette crise sans précédent, il a assuré avoir «tenté de servir le pays le mieux possible» depuis son accession à la tête du gouvernement voici sept ans. Il a opportunément rappelé les progrès économiques de l'Inde.

Peu avant son discours, Anna Hazare s'est adressé à la foule de partisans en assurant avoir «confiance dans le fait que tant que le projet de loi ne sera pas adopté, je ne mourrai pas», concluant ses propos par: «Vive l'Inde».