Le village du militant anticorruption Anna Hazare, qui jeûne devant une foule de partisans à New Delhi, est devenu un lieu de rassemblement pour la population n'ayant pu rejoindre la capitale pour le soutenir.

À chaque coin de rue de Ralegan Siddhi, à environ 90 km de Pune, dans l'État du Maharashtra (ouest), le visiteur croise le regard du militant de 74 ans.

Son portrait est affiché partout, depuis le fronton du temple construit avec ses propres deniers jusqu'à l'arbre qui trône sur la place centrale où il rossa un jour des ivrognes, Hazare ayant aussi fait sien le combat contre l'alcoolisme.

À l'épicerie du village, un autocollant d'Anna Hazare est collé sur la vitrine où sont alignés conserves, shampoings et brosses à dents. Une photo de lui a été accrochée à une place honorifique, au-dessus d'un portrait de Ganesh, la populaire divinité hindoue.

Dans les conversations, l'homme, que le pays tout entier appelle désormais par son prénom, est évoqué en des termes révérencieux à la fois pour avoir réussi à transformer un village malade de l'alcool, de la pauvreté et de la sécheresse et pour sa campagne nationale contre la corruption.

Lundi, jour férié pour cause de fête hindoue célébrant la naissance du dieu Krishna, curieux et partisans du militant ont afflué dans son village.

Des hordes de cyclomoteurs conduits par des hommes arborant des drapeaux de l'Inde venus de villages voisins ont surgi au côté de camions où se sont entassées des centaines de personnes.

Aux cris de «Bharatmata ki jai!» («Je vous salue notre mère l'Inde!»), «Anna Hazare zindabad!» («Longue vie à Anna Hazare!»), la foule a clamé son désir de voir disparaître la corruption et amender le projet de loi proposé par le gouvernement, sur lequel se sont cristallisées les demandes du militant.

«Je voulais aller à Delhi mais je n'avais pas réalisé que Ralegan Siddhi était si près», confie Bipin Mahawar, un banquier d'affaires de 30 ans venu de Pune.

«J'ai donc décidé de venir d'abord ici pour rejoindre le mouvement d'Anna. Ça me donne un sentiment de satisfaction», assure-t-il à l'AFP.

Venu d'un village proche de Nashik, à environ 180 km au nord-est de Bombay, Ramesh Deshmukh estime de son côté qu'«Anna Hazare est une bonne personne».

«Il agit pour l'humanité et utilise des principes de non-violence. Ce qu'il fait est important et aura un impact dans les villages», affirme cet homme de 64 ans. «La corruption est partout. C'est le plus grand mouvement depuis 1947, alors on doit en faire partie. Je veux lutter pour ça».

Pour Rajendra Kumar Patidar, 59 ans, Shyamlal Mukati, 56 ans, et Jagdesh Patidar, 63 ans, Ralegan Siddhi constitue un arrêt sur la route les menant de leur fermes près d'Indore, dans l'État voisin du Madhya Pradesh, à la capitale.

Ces paysans ont pris le bus de nuit pour arriver au village, avant d'attraper un train qui les mènera à New Delhi après 15 heures de voyage. Anna Hazare a entamé mercredi son huitième jour de jeûne.

«Je ne porte pas de sandales ni de chaussures pendant qu'Anna jeûne», lance Jagdesh Patidar, montrant d'un geste ses pieds nus.

«Le pays est totalement gangrené par la corruption et les plus touchés sont les paysans. Chaque Indien a le devoir de le soutenir», juge-t-il.

Un commerçant du village, Ganesh Awari, 25 ans, regarde les images à la télévision montrant l'esplanade noire de monde à New Delhi en regrettant n'avoir pu partir avec les 200 habitants ayant fait le voyage pour le soutenir.

«Quand on le voit à la télévision, on est très fier de lui. Il se met debout pour le pays tout entier», dit-il.