L'opposante birmane Aung San Suu Kyi a rencontré vendredi pour la première fois le président Thein Sein, dernier geste en date du nouveau régime «civil» pour améliorer ses relations avec ses adversaires.

Leur entretien a duré environ une heure au bureau du président dans la capitale Naypyidaw, selon un proche de la lauréate du prix Nobel de la paix. Mais rien n'a filtré sur le contenu.

«C'est une étape importante pour la réconciliation nationale. Nous devrions tous travailler ensemble», avait déclaré à l'AFP avant cette rencontre Ko Ko Hlaing, principal conseiller politique du président.

L'opposante, libérée en novembre de sept années de résidence surveillée, avait largement remporté les élections de 1990 avec la Ligue nationale pour la démocratie (LND), mais n'a jamais été autorisée à prendre le pouvoir. La LND a été dissoute l'an dernier par les autorités pour avoir refusé de participer aux élections de novembre, les premières en 20 ans.

Depuis ce scrutin décrié, la junte du généralissime Than Shwe s'est autodissoute et a passé la main fin mars à un gouvernement dit «civil» mais largement contrôlé par les militaires. Thein Sein, ancien Premier ministre de la junte, est lui-même un ancien général.

Le régime avait demandé à l'opposante en juin d'arrêter ses activités politiques et mis en garde contre la tournée politique qu'elle avait évoquée, susceptible d'entraîner «le chaos et des émeutes». Mais il semble depuis avoir changé de stratégie.

Mme Suu Kyi, qui a passé la majorité des 20 dernières années enfermée, a rencontré par deux fois ces dernières semaines le ministre du Travail. Et le nouveau gouvernement «civil» a promis vendredi dernier, lors de sa première conférence de presse, de continuer le dialogue avec elle.

L'opposante a également pu effectuer sans encombre dimanche son premier déplacement politique en dehors de Rangoun, lors duquel elle a appelé à l'unité du pays et attiré des milliers de partisans sur son passage.

Les États-Unis se sont dits «encouragés» par ce déplacement. Et l'ONU a «salué» le dialogue avec l'opposante.

Mais la communauté internationale réclame également des mesures concrètes du nouveau régime. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a en particulier une nouvelle fois réclamé la «libération» des quelque 2.000 prisonniers politiques.

Le dialogue avec l'opposante est «important», a commenté vendredi un diplomate occidental à Rangoun, ajoutant malgré tout que les motivations du gouvernement n'étaient pas claires.

Pour David Mathieson, de l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch, il est pour l'instant impossible de savoir si ces derniers renseignements sont simplement du «théâtre» ou «un véritable moment de changement».

«Nous ne connaissons simplement pas le fonctionnement interne du nouveau gouvernement. Mais en termes de libertés fondamentales, et (quant à savoir) si la situation des droits de l'Homme s'améliore, certainement pas».

Le gouvernement birman a également autorisé la venue pour la première fois depuis février 2010 du rapporteur spécial de l'ONU pour les droits de l'Homme en Birmanie, Tomas Ojea Quintana, qui doit arriver ce dimanche pour une visite de plusieurs jours.

Après sa dernière mission, l'Argentin avait estimé dans un rapport que certaines violations des droits de l'Homme dans le pays pourraient constituer des «crimes contre l'humanité» et réclamé une enquête internationale.

La junte avait totalement rejeté ces accusations et ne l'avait plus autorisé à entrer dans le pays par la suite.

Les médias d'État ont d'autre part abandonné depuis quelques jours des slogans publiés quasi quotidiennement depuis des années, qui fustigeaient les médias étrangers comme la BBC, accusés de diffuser des «programmes meurtriers» et de «semer la haine parmi le peuple».