L'opposante birmane Aung San Suu Kyi a rencontré pour la première fois lundi un ministre du nouveau gouvernement «civil», un événement salué par les observateurs qui doutent malgré tout qu'il réponde aux demandes de mesures concrètes de la communauté internationale.

La lauréate du prix Nobel de la paix, qui s'était dite prête à dialoguer avec le régime dès sa libération en novembre, s'est entretenue pendant plus d'une heure à Rangoun avec Aung Kyi, ministre du Travail.

Aucun détail concret n'a été révélé sur l'entretien.

«La rencontre a abordé des questions d'ordre public et l'apaisement des tensions, pour le bénéfice du peuple», a cependant déclaré le ministre, qui avait rencontré plusieurs fois Suu Kyi il y a un an et demi lorsqu'il était chargé des relations avec la dissidente, alors en résidence surveillée.

Le régime, par l'intermédiaire du quotidien officiel New Light of Myanmar, avait récemment averti Suu Kyi que son projet de tournée politique en province risquait d'entraîner «le chaos et des émeutes».

Une mise en garde vue par les analystes comme un signe qu'il ne la laisserait pas reprendre des activités politiques.

Depuis, l'opposante, libérée après sept années de résidence surveillée au lendemain des dernières élections, a effectué avec son fils son premier déplacement hors de Rangoun à Bagan (centre), où elle a attiré des admirateurs émus. Sans pour autant se départir d'un cadre strictement privé.

Le ministre a assuré que leur rencontre, «positive et satisfaisante», n'était que la première. La «Dame» de Rangoun a pour sa part évité tout commentaire direct, réaffirmant ne travailler que pour le «bénéfice du peuple».

«J'attends des résultats qui puissent profiter au pays», a-t-elle indiqué.

Si la rencontre a été saluée par principe par les observateurs, le scepticisme prévalait concernant sa portée politique alors que l'opposante, dont le parti n'a pas participé aux élections décriées de novembre, reste isolée sur la scène birmane.

L'événement «revêt un grand symbolisme», selon Pavin Chachavalpongpun, de l'Institut des études sur l'Asie du Sud-Est à Singapour.

Mais sa date n'est pas anodine alors que la Birmanie tente de convaincre ses partenaires de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN) de lui confier la présidence tournante du groupe régional en 2014, a-t-il noté.

Renaud Egreteau, spécialiste de la Birmanie à l'Université de Hong Kong, a lui aussi évoqué le contexte diplomatique de la rencontre.

«Si (le ministre) reprend ses conversations avec elle, c'est que le régime souhaite obtenir quelque chose de la communauté internationale, notamment des États-Unis et de l'Union européenne, pourquoi pas de l'Inde où (le président) Thein Sein va bientôt se rendre».

Naypyidaw réclame notamment la levée des sanctions économiques américaines et européennes. Mais Washington et Bruxelles, qui ont récemment renouvelé ces mesures, veulent obtenir auparavant plus de réformes profondes.

La secrétaire d'État américaine avait d'ailleurs appelé samedi le gouvernement à choisir sa voie.

«Les autorités de Naypyidaw peuvent se différencier du régime militaire précédent, en montrant qu'elles sont en effet un «nouveau gouvernement civil», qui est sensible aux aspirations démocratiques et aux intérêts du peuple», avait déclaré Hillary Clinton, appelant à un «dialogue significatif» avec l'opposition.

Le scrutin de novembre, le premier en vingt ans, a permis à la junte du généralissime Than Shwe de convoquer un parlement, avant de s'auto-dissoudre et de passer la main fin mars à un gouvernement dit «civil» mais entièrement contrôlé par les militaires.

Le nouveau président n'est autre que le premier ministre sortant et ex-général Thein Sein. Et nul ne sait si Than Shwe, qui déteste Suu Kyi, n'est pas demeuré dans l'ombre.