Plus de 1400 personnes ont été arrêtées par la police à Kuala Lumpur samedi, dont des élus et des figures de l'opposition, lors d'une manifestation non autorisée pour réclamer des réformes électorales réprimée à coup de gaz lacrymogènes.

Les manifestations de l'opposition sont rares en Malaisie, la dernière de grande ampleur remontant à 2007.

Celle-ci était annoncée depuis plusieurs semaines par une soixantaine d'organisations réunies sous la bannière de Bersih 2.0 («Propre» en malaisien).

Les protestataires réclament que les prochaines élections générales, prévues d'ici à 2013, soient «libres et transparentes». Ils exigent notamment une politique pour empêcher les votes multiples ou achetés.

Malgré l'interdiction de manifester, les avertissements du gouvernement contre les risques de troubles, les rues bouclées et des arrestations préventives, 50 000 personnes sont descendues dans la rue, selon les organisateurs. La manifestation s'est terminée par des affrontements sporadiques entre la police et de petits groupes de protestataires.

Lors d'un point de presse, l'inspecteur général de la police Ismail Omar a fait état de l'arrestation de 1401 personnes, dont «bon nombre seront libérées sous caution dès que possible».

Plusieurs élus partisans de l'ancien vice-premier ministre et opposant, Anwar Ibrahim, 62 ans, ont été arrêtés. Ce dernier s'est blessé en tombant dans la bousculade suite à des tirs de lacrymogènes et a été hospitalisé pour des contusions. Il a indiqué lui-même à l'AFP souffrir d'une contusion à la tête et d'une coupure à la jambe.

«Ils ont tiré directement (sur nous)», a expliqué l'opposant. «Je pouvais à peine respirer et rester debout», a-t-il déclaré sur son lit d'hôpital en dénonçant l'action «vraiment brutale» de la police.

L'opposante Maria Chin Abdullah a annoncé à l'AFP son arrestation avec sa compatriote Ambiga Streenivasan, organisatrice du rassemblement, au moment où la police les transférait en fourgon vers une destination inconnue.

Mme Ambiga Streenivasan a reçu en 2009 le prix du département d'État américain récompensant des femmes de courage pour leur action en faveur de la justice sociale et des droits de l'Homme.

Le président du parti islamique pan-malais (PAS), Adbul Hadi Awang, a également été arrêté, selon un de ses proches.

«Abdul Hadi a été arrêté par la police et conduit au commissariat. Il a été interpellé près de la gare centrale», a indiqué Zulkifli Sulong, rédacteur au site d'information Haraka News, porte-voix du PAS.

Dès vendredi soir, la police avait procédé à plus de 200 interpellations dans divers endroits de la capitale. Un photographe de l'AFP a été témoin d'échauffourées et de cris quand ceux qui résistaient ont été embarqués dans des voitures de police.

La police a fait ensuite usage à plusieurs reprises de gaz lacrymogènes pour tenter de disperser la foule, qui continuait en fin d'après-midi samedi à tenter, en trois groupes, de forcer les cordons de police pour gagner le stade de Merdeka puis le palais royal.

Brandissant un drapeau malaisien, les protestataires scandaient «Reformasi» et «Dieu est grand».

Le centre de Kuala Lumpur, d'ordinaire animé, semblait une ville fantôme, les principales lignes de transport étaient déviées.

Les organisations de défense des droits de l'homme Amnesty International et Human Rights Watch ont protesté contre les interpellations et demandé la libération des personnes arrêtées.

Mukhriz Mahathir, un proche du pouvoir, a défendu l'attitude des autorités face à une «minorité fauteuse de troubles» et estimé que les manifestants faisaient de la provocation pour accuser la police d'avoir la main lourde.

La Malaisie, fédération de 28 millions d'habitants, est dirigée par le Barisan Nasional (Front national), une coalition multiethnique de 14 partis, depuis son indépendance en 1957.

L'opposition, qui avait réalisé une percée aux dernières élections en 2008, est à la tête de plusieurs États.

«Pourquoi le gouvernement tente-t-il d'intimider les citoyens?», a demandé un manifestant, Mohamad Manij Abdullah, 50 ans, homme d'affaires.

Un étudiant, Chew Ai Nee, 30 ans, a ajouté: «Nous sommes obligés de prendre la rue parce qu'on ne nous donne aucune possibilité de s'exprimer en faveur du changement. Le gouvernement ne peut pas nous faire taire quand nous marchons».