Elle a tout juste six semaines d'expérience politique à son actif (le temps de sa campagne électorale), elle a refusé de critiquer ses rivaux dans ses discours et promis monts et merveilles aux pauvres du pays, bien qu'elle soit issue d'une famille milliardaire. Qu'importe, lors du scrutin de dimanche, les électeurs thaïlandais ont choisi en majorité d'accorder leur confiance à Yingluck Shinawatra.

À la tête du parti Pheu Thai («pour les Thaïs»), la néophyte âgée de 44 ans est en voie de devenir la première femme première ministre de son pays. Hier, elle s'affairait déjà à convaincre plusieurs petits partis de se joindre à un gouvernement de coalition.

Quelle est la recette secrète de cette femme d'affaires mère d'un petit garçon? Les experts de la Thaïlande s'entendent sur une chose: un ingrédient a pesé lourd dans la balance. Mme Shinawatra est la soeur cadette de l'ex-premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, renversé par un coup d'État militaire en 2006.

Lors des rassemblements politiques des dernières semaines, la candidate avait pris l'habitude d'entamer ainsi ses interventions au micro: «Laissez-moi me présenter. Je suis la plus jeune soeur de Thaksin Shinawatra.» En exil à Dubaï, M. Shinawatra a lui-même qualifié sa soeur de «clone».

Comme lui, la future première ministre a la bosse des affaires. Titulaire d'une MBA obtenue dans une université américaine, elle présidait depuis plusieurs années l'une des firmes de son illustre frère. Comme lui, Mme Shinawatra a remporté les élections en promettant une vie meilleure aux Thaïlandais des zones rurales et aux couches les plus pauvres de la société: services médicaux gratuits, prix garanti pour le riz, subventions pour les fermiers, hausse du salaire minimum... Des thèmes chers au coeur de son frère, qui, même milliardaire, a réussi à remporter deux élections successives, en 2001 et en 2005, porté par le vote des moins nantis de la Thaïlande.

Le programme de Shinawatra frère a vite dérangé l'élite royaliste thaïlandaise, qui a fait des pieds et des mains pour se débarrasser de lui. Mais une fois renversé, Thaksin Shinawatra n'avait pas dit son dernier mot. Des partisans, drapés de rouge, ont monopolisé pendant des mois le centre-ville de Bangkok pour demander son retour. La répression des manifestations, l'an dernier, a fait plus de 90 morts, pour la plupart fidèles de l'ex-premier ministre.

Lors de la campagne électorale qui s'est terminée par le scrutin de dimanche, le premier ministre sortant, Abhisit Vejjajiva, a tenté d'apeurer les électeurs en affirmant qu'un vote pour Yingluck Shinawatra était un vote pour son frère. Des avertissements qui ont fait chou blanc.

Si la future première ministre reconnaît qu'elle marche dans les pas de son aîné, elle affirme toutefois qu'elle fera les choses à sa manière. «Je compte utiliser ma féminité pour travailler pleinement au développement de mon pays», a-t-elle dit au lendemain du scrutin. Son premier mandat est celui de réconcilier le pays. Une tâche à laquelle son frère et ses quatre successeurs en cinq ans ont tous échoué.

- Avec le New York Times, BBC et AFP

Capitale : Bangkok

Superficie : 513 120 km2

Population : 63 millions

Langues: thaï, lao, anglais, chinois, malais

Nature de l'État : monarchie

Nature du régime : constitutionnel

Monnaie : baht